10 start-up ivoiriennes à (très) fort potentiel, sélectionnées pour investisseurs exigeants
- Harley McKenson-Kenguéléwa

- il y a 6 jours
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Dernière mise à jour : il y a 12 minutes
Dix jeunes pousses ivoiriennes ont livré des pitchs d’une maturité rare, devant un parterre d’investisseurs, d’institutionnels et de dirigeants internationaux dans l’atmosphère feutrée et hautement symbolique de l’incubateur Station F. Sélectionnées au terme d’un processus rigoureux, ces entreprises incarnent une nouvelle génération de dirigeants africains, plus structurés, plus ambitieux, plus alignés sur les standards mondiaux. Leurs projets s’inscrivent au croisement du besoin local et de la scalabilité globale, portés par des fondateurs dont la vision stratégique rivalise désormais avec celle des écosystèmes entrepreneuriaux les plus avancés.
Comment ces start-up ont-elles été sélectionnées ? Quels modèles économiques défendent-elles ? En quoi cet accompagnement inédit — mêlant excellence académique, rigueur méthodologique et immersion internationale — révèle-t-il un tournant pour l’avenir de l’innovation en Côte d’Ivoire ? Ce dossier répond à ces questions, analyse les signaux faibles, dévoile les tendances émergentes et met en lumière les pépites les plus prometteuses de ce nouvel élan économique.
Présent lors de cet événement, notre site d'actualités économiques CEO Afrique a pu observer de près la qualité exceptionnelle des présentations : précision des pitchs, solidité des modèles, maîtrise des enjeux et ambition assumée. Autant d’éléments qui confirment que ces dix start-up ne sont pas seulement prometteuses, elles sont déjà prêtes pour les investisseurs les plus chevronnés.

Crédit photo : ©CEO Afrique / Harley McKenson-Kenguéléwa
« Vous, fondateurs des dix start-up ivoiriennes ici réunies, avez traversé un parcours exigeant, challengé vos modèles, structuré vos visions, affiné vos ambitions… Vous êtes déjà des acteurs de la transformation économique de la Côte d'Ivoire ; vous devenez également des ambassadeurs de son avenir ». Cette puissante déclaration de Philippe Oster, directeur exécutif senior des Affaires Internationales à HEC Paris, résonne encore dans l’amphithéâtre de l'incubateur Station F où elle fut prononcée. Plus qu’une formule d’encouragement, cela est une mise en garde bienveillante : celle d’une génération de bâtisseurs désormais propulsée sur la scène internationale, appelée à incarner l’audace, la discipline et l’exigence nécessaires pour transformer une économie ivoirienne en pleine accélération. Cette parole inaugurale, lourde d’enjeux et d’espérance, n’a pas été une simple note de protocole : elle a résumé la promesse du moment, le sens profond de ce qui s'est joué ce soir-là.
Car ce 27 novembre, dix jeunes pousses ivoiriennes — sélectionnées parmi les idées business et les innovations les plus prometteuses du pays — ont présenté leurs projets devant un public trié sur le volet composé d’investisseurs, de dirigeants d’institutions financières, de responsables de programmes internationaux, d’acteurs de l’écosystème et de décideurs économiques. Une vitrine rare, presque un révélateur, de la nouvelle génération d’entrepreneurs qui réinvente les usages, digitalise les secteurs traditionnels et redessine les chaînes de valeur.
Crédit photo : ©HEC Paris, ©Station F

Et pourtant, au-delà des pitchs millimétrés, un élément avait frappé immédiatement : l’atmosphère. Un mélange subtil d’énergie créative, de solennité institutionnelle et d’intensité entrepreneuriale. Station F, gigantesque cathédrale de l’innovation — officiellement le plus grand incubateur du monde — a offert un décor à la hauteur de l’enjeu. Sous cette nef baignée de lumière, j’ai ressenti quelque chose de singulier, presque magnétique, en ma qualité de fondateur & gérant du site d'actualités économiques CEO Afrique : un souffle, un récit en train de s’écrire. Mais ce qui m’a surtout marqué, c’est la dimension très "institutionnelle" de la soirée. La présence de personnalités telles que SEM Maurice Kouakou Bandaman, ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, ou Arthur Thomas Coulibaly, directeur Général de CDC-CI Capital, a témoigné du poids stratégique attribué à ces start-up prometteuses. Les dirigeants de HEC Paris — dont Philippe Oster — et les responsables de Station F — parmi lesquels Joanna Gruau Buldon — ont complété un parterre qui disait, en creux, que ce programme n’est ni un exercice de communication ni un simple concours : il s’agit d’un véritable signal macroéconomique.
Un signal adressé aux marchés, aux investisseurs privés, aux fonds panafricains comme internationaux : la Côte d’Ivoire mise résolument sur l’entrepreneuriat innovant comme levier de transformation structurelle, dans une logique d’industrialisation, de compétitivité et d’intégration aux chaînes de valeur mondiales. Cette stratégie, soutenue par la Banque mondiale via le Projet des Chaînes de Valeur Compétitives pour l’Emploi et la Transformation économique (PCCET), révèle une vision beaucoup plus large : celle d’un pays qui veut consolider son statut de puissance économique en Afrique francophone subsaharienne et attirer du capital patient, de la technologie, du savoir-faire et des partenariats transcontinentaux.
Ce geste institutionnel s’inscrit dans une dynamique plus vaste. Depuis près d’une décennie, la Côte d’Ivoire s’impose comme l’un des marchés les plus "business-friendly" du continent. Portée par des taux de croissance parmi les plus élevés d’Afrique subsaharienne, par une stratégie volontariste d’amélioration du climat des affaires, par des investissements massifs dans les infrastructures et par une stabilité macroéconomique recherchée par les investisseurs, Abidjan est devenue "the place to be" pour les dirigeants de grande société, les entrepreneurs, les startuppers, les techpreneurs, les fonds d’investissement et les multinationales en quête de relais de croissance. Au-delà même de l'aspect économique, cette transformation est assurément culturelle, nourrissant l’émergence d’un écosystème technologique sophistiqué, connecté, ambitieux, qui place l’innovation au cœur des politiques publiques.
C’est dans ce contexte qu’a émergé une sélection particulièrement rigoureuse, voire draconienne. Le processus, entamé en septembre dernier, a débuté avec une centaine de candidatures de jeunes entreprises opérant dans la finance, l’agriculture, l’industrie automobile, la santé, l’éducation ou encore les cosmétiques. Un premier filtre a évalué la viabilité des modèles économiques, la pertinence des solutions, l’impact potentiel, la traction et la gouvernance. S’en est suivie une série d’ateliers, de diagnostics, de revue stratégique et de sessions de mentoring intensif. « En dix jours, nous avons reçu 324 candidatures. Après une sélection rigoureuse, nous avons constitué une première liste restreinte de 118 start-up qui ont bénéficié d’accompagnements et de formations, ce qui a permis de retenir 15 finalistes. Ces 15 start-up ont présenté par la suite leurs pitchs à Abidjan le 6 septembre dernier » a précisé Arthur Thomas Coulibaly. À l’arrivée, seules dix pépites — les plus robustes, les plus scalables, les plus alignées sur les exigences du marché mondial — ont été retenues pour représenter la Côte d’Ivoire à Paris.
L’implication de HEC Paris, l’une des business schools les plus réputées au monde, a été décisive. Non seulement pour structurer les projets, affûter la pensée stratégique et renforcer l’excellence opérationnelle des fondateurs, mais aussi pour offrir à ces start-up un label, une crédibilité internationale, un accès privilégié à des réseaux d’investisseurs et à une expertise rarement accessible aux entrepreneurs africains en phase d’accélération. Ce partenariat, croisant rigueur académique, approche terrain et logique d’impact, a renforcé la solidité du programme tout en ouvrant un véritable pont entre Abidjan et Paris, entre un écosystème émergent et des standards mondiaux. C’est précisément cette alchimie, cette mécanique d’accompagnement, ce dialogue fertile entre un environnement d’excellence et des fondateurs déterminés, que Philippe Oster a tenu à souligner avec panache : « Ce travail s’est appuyé sur la force et la puissance de l’écosystème HEC Paris, ce qui témoigne d’une réalité très simple : lorsque le bon écosystème rencontre les bons talents, la transformation devient possible et s’accélère ».
Autrement dit, ce premier filtre, cette "élite d’innovation" ivoirienne, ne doit rien au hasard. Il s’inscrit dans une tendance mondiale où les jeunes entreprises à forte valeur ajoutée deviennent les nouveaux moteurs de croissance. Il s’agit moins de célébrer des réussites précoces que d’identifier des trajectoires, de capter des signaux faibles, d’anticiper des ruptures industrielles. Les dix finalistes concentrent ainsi talent, vision, résilience, diversité et ambition — autant de marqueurs qui caractérisent les générations entrepreneuriales amenées à remodeler l’économie ivoirienne.
C’est dans cette dynamique, entre promesse, exigence et maturité croissante de l’écosystème ivoirien, que s’est inscrite la présentation de ces dix pépites à fort potentiel, dont les projets pourraient bien redessiner les contours du marché ouest-africain dans les années à venir
Sommaire
I. Linda Dempah, patronne d’Adeba Nature, une petite marque familiale de cosmétique devenue géante ... qui puise dans les traditions africaines
III. Pierre‑Alexandre Assou, CEO de Flot : une "MobilityTech" qui redonne dignité aux chauffeurs VTC
IV. Jean-Philippe Lasme, fondateur d’EcolePAY : une "EdFinTech" qui simplifie la vie de parents d’élèves en digitalisant le paiement scolaire
V. Délas & César N’dri, co-fondateurs de Wilyz : les frères qui veulent réinventer la mobilité ivoirienne
VI. Marie-Ange Ehounou, gérante de Pouyou : ériger une filière agro-nutritive dédiée au bien-être des enfants
— Un éveil brutal, un engagement durable
— Un projet à la croisée de l’urgence sociale et de l’esprit entrepreneurial
— Une fondatrice ancrée dans la réalité locale
— Les défis du réel et les ambitions d’un avenir structuré
VII. David Say, fondateur de Myfiani : cet ingénieur de la finance veut simplifier le traitement des transactions de paiement transfrontalières
— Une trajectoire solide, entre ingénierie, banque et finance internationale
— Quand l’expérience rencontre une ambition entrepreneuriale
— Pourquoi Myfianii est un pari d’avenir (et ce qu’il a d’unique)
— Un projet encore en phase pilote — mais à fort potentiel
— L’homme derrière le projet — un profil d’équilibre entre rigueur et vision
— Pourquoi David Say (et Myfianii) mérite qu’on suive leur parcours
VIII. La data comme levier de souveraineté agricole : le pari visionnaire de Loïk Behiri, co-fondateur d’AyoGreen
— Une agriculture sous pression : le point de départ d’une idée devenue mission
— AyoGreen : une plateforme née d’une intuition simple et forte
— Le parcours d’un stratège : de la gestion internationale à l’agritech
— Ambitions et défis : la donnée comme nouveau levier de souveraineté agricole
IX. Réinventer l’éducation grâce à la valisette connectée Bokonzi : la promesse d’Andréas Gotiene
— L’éveil d’une vocation
— L’ingénieur devenu bâtisseur d’opportunités
— Bokonzi : un modèle aligné avec les tendances du continent, entre matériel recyclé et intelligence algorithmique
X. Dr. Ousmane Soumahoro, fondateur de Umed eHealth Center : le médecin qui réinvente l’hospitalisation depuis le salon des patients
— L’étincelle : transformer une frustration nationale en solution systémique
— Umed eHealth Center : quand la santé s’invite à domicile, sans passer par l’hôpital
— L’ambition : industrialiser le lit d’hospitalisation mobile
— Un défi structurel, une vision africaine
Linda Dempah, patronne d’Adeba Nature, une petite marque familiale de cosmétique devenue géante ... qui puise dans les traditions africaines
À première vue, le parcours de Linda Dempah semble mener là où on ne l’attendait pas, détonant par ses contrastes assumés : un MBA obtenu à la Harvard Business School, une carrière new-yorkaise brillante, un poste à responsabilités dans la finance… et un jour, le choix radical de vendre… des savons ! « À chacun ses envies de progression et ses préférences concernant son parcours de vie » s’amuse t-elle à rappeler. C’est ce pari audacieux — entre prise de risque entrepreneuriale et vocation de santé publique — qui fait d’elle l’une des figures émergentes les plus fascinantes de la clean-beauty africaine.
De New-York à l’Afrique : le réveil d’un choix identitaire
L’histoire d’Adeba Nature est d’abord une histoire de hasard, de curiosité et de transformation personnelle. Linda Dempah se souvient de son quotidien new-yorkais : à l’époque, elle portait les cheveux défrisés et, faute de temps ou d’envie, évitait les salons de coiffure. Un jour, ce choix l’amène à perdre l’intégralité de ses cheveux défrisés. Une révélation s’impose alors : "autant redevenir naturelle", se dit-elle.
Aux États-Unis, le mouvement du "hair care" naturel est déjà en plein essor : blogs, produits spécialisés, tutoriels en ligne etc… Linda se plonge dans cet univers avec un enthousiasme quasi expérimental. Sa salle de bain se transforme en véritable laboratoire : huiles, mélanges maison, expériences quotidiennes pour apprivoiser sa nouvelle texture de cheveux. Le tournant survient lors d’une visite de sa mère. Face à l’arsenal de produits accumulés, celle-ci lui propose un remède simple, qu’elle utilise depuis longtemps : une huile capillaire traditionnelle, qu’elle avait elle-même légèrement transformée grâce à son expertise de pharmacienne. Linda suit le conseil et, dès le lendemain, ses cheveux se révèlent plus doux, plus souples, comme jamais auparavant. Émerveillée par le résultat, elle demande alors à sa mère la composition exacte de cette huile… pour se heurter à un constat : l’ingrédient miracle n’était disponible nulle part. C’est à ce moment que germe l’idée d’Adeba Nature : créer une huile de soins pour cheveux accessible et efficace. Avec l’huile héritée de sa mère, Linda commence à en distribuer à quelques amies à New York, qui confirment toutes l’efficacité du produit. Encouragées par ces premiers succès, mère et fille décident de franchir le pas et d’entreprendre ensemble. Le choix du nom de la marque se fait de manière presque anecdotique : après plusieurs mois de réflexion, c’est le père de Linda qui propose "Adeba", un mot en langue Agni signifiant "beau", "élégant" ou "chic" . Un nom qui résume parfaitement l’ambition de la marque : célébrer la beauté naturelle avec élégance.
Crédit photo : ©Adeba Nature

Avec le soutien de sa mère pharmacienne, Linda élabore les premiers produits : une huile de soin et un baume cosmétique, légèrement modernisés par rapport aux remèdes traditionnels. Le lancement se fait d’abord aux États-Unis en 2016, sous forme de tests auprès d’amis et connaissances, avant de s’étendre en Côte d’Ivoire. Les retours sont précieux et permettent de perfectionner les formules. En 2017, la gamme passe de deux à quatorze produits et marque le véritable lancement officiel d’Adeba Nature.
Une fondation solide : une alliance rare de rigueur académique et d’expertise entrepreneuriale
Ce qui distingue Linda Dempah dépasse le simple profil de dirigeant d’entreprise : c’est une combinaison singulière de crédibilité académique, d’excellence financière et d’aptitudes opérationnelles. Sa trajectoire académique est impressionnante : après un Bachelor of Arts with Honors en mathématiques, économie et informatique à Wesleyan University, elle poursuit avec un MBA à la Harvard Business School, incubateur de leaders mondiaux. Ces formations rigoureuses posent les bases d’une carrière résolument orientée vers l’analyse et la stratégie.
Son expérience en entreprise complète ce socle académique par un parcours concret et exigeant. Entre 2009 et 2015, elle occupe le poste de directrice des achats stratégiques chez Ameriprise Financial Services. Elle rejoint ensuite McKinsey & Company comme consultante en management de 2015 à 2019, où elle affine ses compétences en négociation, pilotage de projets et optimisation des coûts. Ces savoir-faire se traduisent aujourd’hui dans la gestion de la chaîne de production d’Adeba Nature, du sourcing au contrôle qualité, en passant par la logistique et le développement stratégique.
Toujours en quête d’excellence intellectuelle, Linda Dempah approfondit ses connaissances en étudiant la théorie de l’antifragilité auprès de Nassim Nicholas Taleb, l’éminent statisticien et essayiste, inventeur du concept et expert en mathématiques financières. Cette démarche traduit une curiosité intellectuelle et une volonté de confronter la pratique entrepreneuriale à des modèles théoriques sophistiqués.
Malgré son rôle de co-fondatrice et de figure de proue d’Adeba Nature, Linda Dempah revendique modestement une approche profondément collaborative. Pour elle, le succès de l’entreprise repose surtout sur la qualité et l’engagement des talents et des esprits les plus brillants qui l’entourent. Dans les coulisses, ce sont des expertises pointues et des compétences scientifiques qui donnent corps à ses ambitions entrepreneuriales : « Dans notre équipe scientifique, je peux compter sur les véritables cerveaux de l’entreprise : ma sœur, Dr Élodie Dempah, chimiste pharmaceutique, et ma mère, Dr Brigitte Dempah, pharmacienne diplômée de l’UFR de Reims ». Cette alchimie unique — rigueur business, sensibilité à la nature et ancrage dans ses racines africaines — confère à Adeba Nature une "signature de confiance" rare sur le marché : un mélange d’expertise scientifique et de savoir-faire artisanal, capable d’inspirer autant le consommateur que l’investisseur.
Adeba Nature : cosmétique "antifragile", made in Africa
L’industrie cosmétique, moteur d’un marché mondial de plusieurs centaines de milliards d’euros, traverse une période de questionnements profonds. Les consommateurs sont de plus en plus attentifs à ce qu’ils appliquent sur leur peau, et pour cause : une grande partie des produits du marché contiennent des ingrédients issus de la pétrochimie. Ces substances — allant de certains conservateurs aux silicones ou tensioactifs synthétiques — sont utilisées pour leurs qualités techniques, leur stabilité et leur coût maîtrisé.
Pour autant, tous ces ingrédients ne présentent pas les mêmes profils de sécurité. Certains composés, identifiés comme perturbateurs endocriniens — par exemple certains parabènes et phtalates — ont été associés, dans des études expérimentales et épidémiologiques, à des effets potentiels sur la reproduction, la fertilité ou le développement hormonal. « L’industrie cosmétique est malade. Aujourd’hui, de nombreuses gammes de produits cosmétiques utilisent des ingrédients dérivés de la pétrochimie, qui sont perturbateurs endocriniens et ont des conséquences graves pour la santé. On les trouve partout : dans les gels douche, savons, shampoings, lotions et crèmes, et ils peuvent provoquer des troubles de la reproduction, de la fertilité, de la croissance, voire le cancer» déplore Linda Dempah. Toutefois, il est important de souligner que ces risques dépendent de la nature précise de l’ingrédient, de sa concentration et de la durée d’exposition. La science actuelle ne permet pas de généraliser ces effets à l’ensemble des produits pétrochimiques présents dans les cosmétiques.
La France par exemple a pris conscience de ces enjeux dès 2014, avec la mise en place d’une stratégie nationale visant à limiter l’exposition aux perturbateurs endocriniens et à renforcer la sécurité sanitaire des produits de consommation. Ce cadre réglementaire guide désormais le secteur et encourage les marques à réinventer leurs formulations. Pourtant, la transition vers des cosmétiques véritablement sûrs et naturels n’est pas simple. Même certaines marques qui revendiquent un positionnement "bio" ou "naturel" continuent d’utiliser des procédés industriels similaires à ceux de la cosmétique conventionnelle. La complexité de la formulation, la nécessité de stabilité des produits, les contraintes de production et les coûts expliquent que les alternatives totalement exemptes d’ingrédients problématiques restent limitées.
C’est dans ce cadre que Linda explique la philosophie et l’approche unique qui distinguent Adeba Nature, notamment dans le contexte africain en général et celui de la Côte d’Ivoire en particulier : « Chez Adeba Nature, nous avons choisi de relever un défi majeur : créer des cosmétiques qui soient à la fois sûrs, efficaces et profondément ancrés dans les traditions ivoiriennes. Pour cela, j’ai mis à contribution mon diplôme de mathématiques obtenu à Wesleyan University afin de concevoir un procédé de fabrication innovant, capable de sélectionner des ingrédients sécurisés et de les exploiter selon les savoir-faire locaux. Nos produits passent ainsi le test le plus exigeant : celui du temps et de l’expérience, dans ce que nous appelons le "laboratoire du vivant". Nous définissons cette approche comme la "cosmétique antifragile". Nos actifs sont à la fois uniques et novateurs. L’huile de carapate, par exemple, est reconnue pour ses propriétés protectrices et nourrissantes, tout en portant une valeur symbolique dans la culture locale. Les clientes qui ont découvert nos savons et huiles sont devenues nos premières ambassadrices ».
Ainsi, le défi du secteur est double : concilier innovation et sécurité, répondre à des exigences réglementaires de plus en plus strictes et satisfaire des consommateurs informés et exigeants. Plus qu’une tendance, c’est une transformation structurelle qui appelle à la transparence, à la rigueur scientifique et à une vision de long terme pour bâtir une cosmétique réellement responsable.
Des résultats concrets qui parlent
En un laps de temps remarquablement court, Adeba Nature s’est imposée comme l’une des jeunes marques les plus dynamiques de son secteur. Selon Linda Dempah, les indicateurs parlent d’eux-mêmes : « plus de 100 000 produits ont déjà trouvé preneur, portés par une croissance fulgurante — un chiffre d’affaires multiplié par quinze en seulement trois ans, essentiellement grâce au bouche-à-oreille », signe d’une confiance organique et rarement observée dans l’industrie cosmétique. Le niveau de satisfaction confirme cet engouement. « Environ 80 % des clientes se déclarent pleinement convaincues, et près de 60 % d’entre elles choisissent de racheter les produits, un taux exceptionnel dans un marché aussi concurrentiel » poursuit la dirigeante d’entreprise.
Parallèlement, la marque s’est dotée d’une véritable structure industrielle. Adeba Nature dispose aujourd’hui d’un laboratoire, de deux unités de production et a contribué à la création d’environ 200 emplois locaux — une performance qui illustre la solidité et la scalabilité du projet. La gamme, initialement limitée à quelques produits capillaires, s’est rapidement étoffée pour dépasser la dizaine de références, confirmant la capacité d’innovation de l’entreprise.
Cette trajectoire ascendante a également séduit les institutions et les leaders du secteur. Adeba Nature a obtenu 100 000 euros de subventions pour soutenir son développement, et sa co-fondatrice a été invitée à intervenir sur le podcast de Cosmoprof, le plus grand acteur mondial de l’industrie cosmétique, une reconnaissance rarement accordée à une marque émergente. Pris dans leur ensemble, ces éléments témoignent d’un phénomène clair : au-delà de l’intérêt du public, Adeba Nature bénéficie d’une fidélité, d’une crédibilité et d’une confiance croissantes, qui la positionnent aujourd’hui comme l’une des histoires entrepreneuriales les plus prometteuses du marché.
Un contexte de marché favorable — et un horizon prometteur
Le pari de Linda Dempah arrive à un moment où le marché africain de la beauté vit l’une des plus profondes transformations de son histoire. Longtemps dominé par des produits importés, l’écosystème cosmétique ouest-africain — et ivoirien en particulier — connaît aujourd’hui une dynamique d’expansion qui rebat les cartes pour les marques locales capables d’allier savoir-faire, innovation et ancrage culturel.
En Côte d’Ivoire, les plus récentes études de marché s’accordent : les ventes du secteur Beauty & Personal Care ont poursuivi leur progression en 2024, et la valeur du marché national se situe dans la fourchette de plusieurs dizaines de millions d’euros. Certaines estimations, comme celles d’IndexBox, évaluent le marché autour de 80 millions de dollars, des ordres de grandeur cohérents avec l’évaluation de 60 millions d’euros mise en avant par Linda Dempah.
Cette traction ne doit rien au hasard. Les flux commerciaux en témoignent : le pays importe chaque année entre 8 et 9 millions de dollars de produits cosmétiques, selon les données compilées par des organismes internationaux. Autrement dit, la demande locale dépasse largement l’offre intérieure — une brèche stratégique que seules des marques nationales suffisamment robustes peuvent exploiter.
Au-delà du marché ivoirien, les perspectives régionales renforcent encore l’intérêt du secteur. Le marché Beauty & Personal Care du Moyen-Orient et de l’Afrique devrait atteindre plus de 30 milliards de dollars dès 2025. Et à l’échelle mondiale, le secteur cosmétique pèse désormais entre 420 et 460 milliards de dollars. Pour une marque en capacité d’industrialiser son modèle, les possibilités d’exportation, de partenariats et de montée en gamme sont donc considérables.
La dynamique démographique ivoirienne joue elle aussi un rôle central : une population estimée entre 29 et 31 millions d’habitants, dont la moitié a moins de vingt ans. Cette jeunesse connectée — près de 12,8 millions d’internautes en 2025, soit près de 40 % de la population — constitue un vivier naturel pour des marques maîtrisant e-commerce, storytelling digital et modèles DTC. Elle porte par ailleurs une aspiration forte pour les produits naturels, la "clean beauty" et un retour assumé aux traditions locales.
L’avantage compétitif de la Côte d’Ivoire réside aussi dans son terroir. Le pays figure parmi les producteurs majeurs de matières premières clés pour la cosmétique naturelle. Avec environ 250 000 tonnes de noix de karité récoltées chaque année — dont moins d’un tiers transformé localement — le potentiel de valeur ajoutée est immense. La filière des huiles végétales (coco, palmiste, palme) offre également des possibilités d’intégration verticale inédites pour des laboratoires cherchant à sécuriser leurs approvisionnements et à différencier leurs formulations.
Un enjeu structurel demeure toutefois : la gestion des déchets plastiques. Moins de 10 % sont recyclés, selon les estimations des agences internationales. Cette faiblesse systémique représente autant un défi logistique qu’une opportunité stratégique pour les marques capables d’investir dans des solutions de packaging recyclé, réutilisable ou localement réintégré — un atout RSE précieux dans un marché désormais très sensible à ces critères.
L’ensemble évolue dans un environnement macro-économique porteur. Avec un PIB avoisinant les 86 milliards de dollars en 2024, une croissance soutenue de l’ordre de 6 % et une inflation maîtrisée, la Côte d’Ivoire offre un climat propice à l’essor de biens de consommation à valeur ajoutée, dont la cosmétique premium fait partie.
Dans ce contexte, le positionnement d’Adeba Nature apparaît d’une pertinence remarquable. Sur un marché évalué à environ 60 millions d’euros, l’entreprise se trouve idéalement placée pour capter une clientèle jeune, exigeante, soucieuse de santé, de naturalité et d’identité culturelle — une équation rare, mais parfaitement alignée avec l’ambition de la marque.
Ambitions et défis : grandir sans perdre l’âme
Linda Dempah ne s’en cache pas : Adeba Nature est entrée dans une nouvelle phase de son développement, celle où l’intuition entrepreneuriale doit se muer en puissance industrielle. Son ambition est claire — élargir la gamme, automatiser une partie de la production, déployer le modèle sur plusieurs sites et installer durablement la marque parmi les références émergentes de la biocosmétique africaine. « Pour franchir ce cap décisif, nous envisageons aujourd’hui une levée de fonds estimée à 250 000 euros, destinée à consolider notre procédé de fabrication, multiplier notre production annuelle par 10 et créer 50 emplois supplémentaires » indique la cheffe d’entreprise.
Mais ce passage à l’échelle s’accompagne d’une série de défis structurants. Adeba Nature doit garantir une qualité irréprochable, protéger ses standards de sourcing éthique et affirmer sa différence face à une concurrence importée souvent mieux financée. Elle doit aussi bâtir une distribution capable d’embrasser un marché fragmenté, tout en portant un enjeu culturel plus large : faire évoluer les habitudes, installer une autre manière de se soigner et de se sublimer, et promouvoir une beauté qui retrouve ses racines — plus naturelle, plus consciente, plus respectueuse du corps.
Alex Assahoré, fondateur de COLONIE : une marque premium issue du terroir ivoirien
Alex Assahoré s’impose comme l’une des figures montantes dans le monde des affaires en Côte d’Ivoire. Diplômé d’un Master en Marketing International de Hult International Business School, d’un Bachelor en Business Economics de Georgia State University et d’une Licence en Business Administration à l’Université Internationale de Grand-Bassam, Alex a multiplié les expériences entrepreneuriales et opérationnelles avant de fonder COLONIE.
Au cours des six premiers mois suivant le lancement de son activité, le jeune entrepreneur a dû affronter un scepticisme tenace. Beaucoup s’étonnaient de le voir s’aventurer dans le miel, un produit jugé peu "bankable" dans un paysage où d’autres segments paraissaient plus rentables et plus simples à conquérir. Les pronostics étaient peu encourageants : pour nombre d’observateurs, le miel n’avait tout simplement aucune chance de s’imposer sur le marché ivoirien.
Mais derrière cette apparente prise de risque se cachait une volonté farouche d’apprendre et de bâtir un modèle viable. Les premiers mois ont été consacrés à une phase d’exploration intensive : comprendre la filière, collecter des données, analyser les pratiques locales. Ni lui ni ses équipes n’étaient issus du monde agro-industriel, et il a fallu assimiler en un temps record les fondamentaux d’un secteur exigeant, traditionnellement peu structuré.
De l'erreur du fondateur à la stratégie gagnante : comment COLONIE a trouvé son modèle
Le premier défi fut la production elle-même. En Côte d’Ivoire, elle n’est pas continue ; les apiculteurs ne récoltent pas du miel toute l’année. Pour bâtir une marque fiable et présente en permanence sur le marché, il fallait donc résoudre cette équation complexe : comment garantir un approvisionnement stable dans un environnement marqué par la saisonnalité ? Alex Assahoré et son équipe ont rapidement découvert une vérité souvent sous-estimée par les néophytes : produire du miel commence par produire des ruches. Convaincus qu’ils pouvaient maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur, ils se sont donc lancés eux-mêmes dans la fabrication et l’installation de centaines de ruches. Une initiative audacieuse… mais qui s’est révélée être un faux pas stratégique. Sans réelle formation apicole, l’équipe a consacré près d’un an et demi à concevoir et déployer ces ruches artisanales, persuadée que l’autosuffisance était la clé. Mais la réalité du terrain s’est imposée avec une brutalité implacable : la production obtenue était loin des attentes, insuffisante pour soutenir l’ambition de COLONIE et encore moins pour alimenter un marché en demande croissante. Ce premier échec, loin de freiner le jeune dirigeant, a constitué un tournant décisif dans la trajectoire de l’entreprise.
C’est à ce moment qu’une évidence s’est imposée : plutôt que de vouloir tout internaliser, COLONIE devait s’appuyer sur l’expertise de ceux qui maîtrisent réellement l’art délicat de l’apiculture. La stratégie a alors basculé vers la constitution d’un réseau structuré d’apiculteurs partenaires, implantés au cœur de l’arrière-pays ivoirien. De Katiola à Boukébo, en passant par Maounou et plusieurs localités environnantes, Alex Assahoré a su fédérer des producteurs reconnus pour la qualité exceptionnelle de leur miel : « Afin de garantir une qualité constante et un approvisionnement continu, nous collaborons avec plus de 150 artisans-apiculteurs en coopérative depuis 2021, et installé plus de 350 ruches au centre et au nord de la Côte d’Ivoire ». C’est donc en identifiant ces leviers que le flux de production est devenu régulier.
Vint ensuite la question du conditionnement, tout aussi déterminante pour un produit premium. Quels contenants permettent de préserver la qualité ? Comment transporter le miel sans altération ? Comment offrir une expérience client irréprochable ? Entouré d’amis spécialistes du packaging, le fondateur a affiné chaque détail, depuis le choix du flacon jusqu’à la présentation en rayon.
Cette période, faite d’essais, d’erreurs et de réajustements constants, a sculpté l’identité de COLONIE. Ce n’est ni la facilité ni l’évidence qui ont guidé le projet, mais une détermination profonde, une capacité à apprendre vite et à transformer une intuition en stratégie. C’est précisément cette ténacité qui explique la trajectoire actuelle de l’entreprise : une ascension construite patiemment, contre les idées reçues, et portée par une vision devenue réalité.
Structurer la filière du miel
Crédit photo : ©COLONIE

Alors que la Côte d’Ivoire ne produit qu’environ 620 tonnes de miel par an, selon les données de la FAO, la demande nationale — stimulée par la grande distribution, l’hôtellerie et la restauration — dépasse largement l’offre disponible. Le paradoxe est saisissant : dans un pays où le potentiel apicole est réel, la filière demeure éclatée, artisanale, irrégulière, incapable de fournir des volumes suffisants ni une qualité standardisée. Pour la plupart des acteurs locaux, la priorité reste donc la consolidation du marché domestique et régional, bien avant d’envisager une présence significative à l’export.
C’est dans ce paysage contrasté qu’émerge COLONIE, lancé en septembre 2021, avec l’ambition d’imposer un nouveau standard. La marque propose un miel 100 % pur et naturel, présenté dans des emballages à la fois élégants et fonctionnels.
En un temps record, COLONIE s’est imposée comme l’un des rares opérateurs capables de répondre aux attentes d’un marché local en pleine expansion. « Plus de 115 000 unités ont déjà été écoulées, distribuées à travers 50 points de vente à Abidjan et dans la sous-région. Nous avons également sécurisé des partenariats stratégiques avec des acteurs majeurs — Carrefour, Air Côte d’Ivoire, Asky, entre autres — ainsi que plusieurs hôtels et restaurants. Notre chiffre d’affaires dépasse aujourd’hui 280 000 euros » fait savoir Alex Assahoré.
Crédibilité et soutien stratégique
Depuis septembre 2025, COLONIE a franchi un cap décisif en intégrant le programme I&P Accélération FARM, une initiative appuyée par Proparco et portée par I&P Accélération, Investisseurs & Partenaires (I&P) et Comoé Capital. Destiné à accompagner une vingtaine de PME opérant sur l’ensemble de la chaîne de valeur agricole en Afrique, ce dispositif constitue l’un des soutiens les plus structurants pour les jeunes entreprises du secteur. Au-delà de l’apport purement financier, cela représente pour COLONIE un véritable "sceau" de crédibilité, un signal fort envoyé au marché comme aux investisseurs institutionnels.
Dans l’écosystème entrepreneurial africain, la présence d’un investisseur du calibre d’I&P agit comme un accélérateur de confiance. Son engagement laisse entendre — sans avoir besoin de le dire — que le marché a été analysé, que les chiffres ont été audités, que les fondateurs ont été évalués et que le potentiel de croissance est jugé réel. Autrement dit, I&P a joué le rôle de filtre expert : s’il mise sur COLONIE, c’est que l’entreprise appartient à cette catégorie restreinte de structures dont le modèle tient la route.
Un tel "parrainage" peut naturellement avoir un effet d’entraînement, susceptible de faciliter l’arrivée d’autres investisseurs potentiels, créant un climat favorable pour de futurs tours de table et renforçant la position de COLONIE dans un marché encore en structuration. Pour autant, cet avantage réputationnel ne dispense pas les nouveaux entrants potentiels de procéder à leur propre due diligence : CAC, LTV, MRR, churn, runway… Les investisseurs aguerris continueront d’examiner avec rigueur l’ensemble des indicateurs opérationnels avant de s’engager.
Dans cette dynamique de structuration, COLONIE a inauguré en janvier 2024 une unité de production à Yamoussoukro, capable de transformer l’expertise apicole locale en volumes significatifs de miel premium. Cette infrastructure marque un tournant, permettant à l’entreprise non seulement de répondre à une demande croissante, mais aussi de positionner sa marque sur un marché élargi, jusque-là fragmenté et difficile à structurer. Toutefois, fort de cette capacité industrielle renforcée, COLONIE se tourne aujourd’hui vers de nouveaux financements stratégiques, destinés à accélérer la production, optimiser la distribution et asseoir durablement son influence sur l’ensemble de la sous-région ouest-africaine. « Nous avons besoin de 155 000 euros en termes d’investissements, ce qui nous permettra d’augmenter notre chiffre d’affaires de 25 à 30 %, de produire 30 tonnes de miel, et d’atteindre 215 000 à 250 000 unités vendues » espère Alex Assahoré. L’objectif est clair : transformer un marché encore immature en filiale structurée et premium, où qualité, régularité et notoriété deviennent des standards
Impact, défis et ambitions
Au-delà de son chiffre d’affaires, COLONIE génère un impact tangible à plusieurs niveaux. « Pour les consommateurs, l’entreprise garantit un miel authentique et de haute qualité. Pour les apiculteurs partenaires, elle offre des revenus stables et contribue à l’amélioration de leurs conditions socio-économiques. Sur le plan environnemental, COLONIE participe à la promotion de la pollinisation et au soutien de la biodiversité. Enfin, pour notre entreprise, cette trajectoire de croissance se traduira par la création d’emplois supplémentaires » s’enthousiasme Alex Assahoré.
Par ailleurs,depuis le lancement de son activité, le chef d’entreprise a rapidement compris que la distribution constituait un véritable métier à part entière. Avoir un produit de qualité ne suffit pas : encore faut-il qu’il soit accessible aux consommateurs. Chaque jour, il s’attelle à élargir le réseau de distribution, à optimiser la logistique et à rendre le miel COLONIE disponible au-delà de son réseau actuel, pour atteindre tous les points de consommation potentiels.
Mais le parcours n’est pas exempt de défis, particulièrement en ce qui concerne l’optimisation de la gestion des liquidités.« Les délais de paiement de ces distributeurs, qui représentent plus de 65 % de notre chiffre d’affaires, sont compris entre 70 et 75 jours après livraison. Cela génère des tensions de trésorerie, limitant notre capacité à saisir certaines opportunités, à déployer nos actions et à accroître nos parts de marché » pointe Alex Assahoré.
Pour le fondateur, l’objectif à court terme est clair : porter le parc de ruches à plus de 1 500 unités et étendre la distribution à l’ensemble de la sous-région ouest-africaine. Aujourd’hui encore, la demande locale excède largement l’offre : les consommateurs affluent dans les supermarchés, mais se heurtent à des rayons vides. Résoudre ce déséquilibre est la clé pour transformer COLONIE d’acteur émergent en leader régional, capable de satisfaire pleinement la demande et de conquérir de nouveaux marchés.
Pierre‑Alexandre Assou, CEO de Flot : une "MobilityTech" qui redonne dignité aux chauffeurs VTC
Au sein de la capitale économique de la Côte d’Ivoire, lorsque l’on parle de l’avenir de la mobilité urbaine, un nom commence à résonner avec autorité : Pierre‑Alexandre Assou. Jeune entrepreneur à l’aube de son aventure industrielle, il incarne l’alliance de l’ambition, du pragmatisme et de l’engagement, qualités indispensables pour transformer un secteur en pleine mutation. Formé à Emlyon Business School, Il entame sa carrière dans la finance à Paris, au sein de la banque d’investissement. Après un passage chez Société Générale CIB, puis un stage en fusion‑acquisition chez Rothschild & Co., il se plonge dans l’analyse des marchés et la structuration de deals complexes. Ces premières expériences lui offrent une maîtrise pointue des rouages financiers et un sens aigu de la stratégie.
Mais c’est en 2017 que sa trajectoire prend un tournant décisif : Pierre‑Alexandre Assou s’installe à Abidjan pour rejoindre Adenia Partners, l’un des fonds de private equity les plus influents d’Afrique subsaharienne. Pendant près de huit ans, il y accompagne la croissance de sociétés à fort potentiel et siège dans plusieurs conseils d’administration. Cette immersion complète dans la gouvernance et les opérations africaines lui permet de conjuguer expertise financière et connaissance du terrain, un double atout rare sur le continent.
C’est cette combinaison unique de rigueur, d’expérience opérationnelle et de vision stratégique qui lui donne aujourd’hui la crédibilité nécessaire pour lancer un projet ambitieux dans la mobilité urbaine ivoirienne, secteur à la croisée des défis économiques, technologiques et sociétaux.
Flot : une réponse audacieuse à un besoin criant
Crédit photo : ©Flot

En avril 2025, Abidjan voit naître Flot, une start-up audacieuse qui entend redéfinir le VTC dans la capitale économique ivoirienne. À l’inverse de la majorité des acteurs du secteur, Flot mise non pas sur des véhicules thermiques, mais sur des voitures 100 % électriques, accessibles via un leasing long terme incluant maintenance, assurance et option d’achat. Une approche qui conjugue modernité technologique, viabilité économique et impact social. L’idée est née d’un constat sans détour : malgré des journées de travail longues et éreintantes, de nombreux chauffeurs VTC peinent à devenir propriétaires et peinent à dégager un revenu décent. La question dépasse le simple enjeu économique : il s’agit de dignité, d’autonomie et de justice sociale. À Abidjan, le secteur du VTC et ses activités associées mobilisent selon les estimations locales quelque 35 à 40 000 emplois, concentrés principalement dans la capitale. « Les chauffeurs VTC gagnent très peu d’argent; Sur une journée de travail où ils réalisent près de 100 euros de chiffre d’affaires, ils doivent payer une grande partie à la plateforme VTC. Ils versent ensuite environ 37 euros au propriétaire du véhicule, et plus de 30 euros en frais de carburant. À la fin de la journée, ils leur restent à peine 8 euros » observe Pierre‑Alexandre Assou.
En effet, le modèle traditionnel, dit de "la recette", où le chauffeur reverse quotidiennement une somme au propriétaire du véhicule, limite considérablement la capacité d’épargne et la possibilité d’acquérir son propre véhicule.
À cela s’ajoutent les pressions sur les revenus nets : carburant, entretien, commission des plateformes et paiement quotidien au propriétaire grèvent fortement le reste à vivre des chauffeurs, même après de longues journées. Les enquêtes de terrain et interviews locales confirment cette réalité : beaucoup travaillent dans l’incertitude financière et avec des marges très étroites, malgré la vitalité du secteur.
Flot entend inverser cette dynamique. « En Côte d’Ivoire, les chauffeurs VTC travaillent déjà dans un secteur en pleine ébullition, âgé d’à peine cinq ans, avec déjà 35 000 chauffeurs VTC actifs rien qu’à Abidjan qui se positionne comme un leader en mobilité électrique dans la sous-région. On compte déjà 80 bornes de recharge, et 100 supplémentaires seront installées dans les prochains mois. Ce que Flot propose, c’est la location d’un véhicule électrique dans une offre packagée qui comprend non seulement le véhicule, mais aussi la maintenance, l’assurance et une expérience utilisateur inégalée grâce à une application mobile permettant aux chauffeurs VTC de gérer leur véhicule et leurs paiements. Et surtout, au bout de 36 mois, ils ont la possibilité de devenir propriétaire de leur véhicule. Ils continueront de payer leur part à la plateforme VTC. Ils paieront un loyer qui lui permettra cette fois-ci de devenir propriétaire au bout de 36 mois. Et la "magie de l’électrique" opère ensuite : leurs coûts d’énergie sont divisés par deux, et leur reste à vivre est multiplié par deux. Non seulement les chauffeurs VTC deviennent propriétaires, mais leur travail quotidien devient également plus digne » détaille Pierre‑Alexandre Assou.
Le modèle "EV-first et inclusif" de Flot combine ainsi impact social, transition énergétique et viabilité économique, offrant aux chauffeurs un véritable levier d’autonomie et d’émancipation financière. Dans un marché en pleine mutation, Flot se positionne comme un pionnier : non seulement elle introduit une révolution technologique, mais elle s’attaque aussi à un problème profondément humain, celui de la dignité et de l’accès à la propriété pour les acteurs de la mobilité urbaine à Abidjan.
Un contexte porteur : Abidjan, terrain fertile pour la mobilité VTC et électrique
Le terrain est prêt. Selon le rapport 2023 sur la mobilité à Abidjan, "Bus à haut niveau de service (BRT) et métro à Abidjan", la flotte de VTC dans la capitale économique ivoirienne serait comprise entre 5 000 et 18 000 véhicules, d’après les données consacrées spécifiquement au transport routier de passagers, un chiffre qui témoigne d’un secteur encore fragmenté mais en pleine expansion.
Les médias locaux confirment cette dynamique : en 2024, le nombre de chauffeurs VTC "actifs" serait de l’ordre de 5 000 à 6 000, un indicateur de l’ampleur croissante de ce segment d’emploi. Parallèlement, le marché automobile ivoirien observe un rajeunissement du parc de véhicules. Les immatriculations de voitures neuves connaissent une progression notable, un signe indirect mais tangible que de nouveaux véhicules, potentiellement destinés au VTC, entrent en circulation.
Le développement de la mobilité par application transforme également le paysage urbain. Les plateformes numériques jouent un rôle de plus en plus central dans l’offre de transport, facilitant l’accès aux services pour les passagers tout en structurant les opérations des chauffeurs. Ce phénomène, encore émergent, traduit une professionnalisation progressive du secteur et une adoption croissante de solutions technologiques.
Pour la start-up Flot qui mise sur les VTC et plus particulièrement sur les véhicules électriques, ces signaux constituent un terrain fertile. « Chez Flot, nous avons développé des outils technologiques et opérationnels qui nous permettent de sélectionner les meilleurs chauffeurs et de suivre, pendant les 36 mois du programme, les véhicules avec une grande précision. L’objectif : réduire la sinistralité, limiter les accidents et augmenter les taux de recouvrement. Cette technologie dénommée "Flot Copilote" est développée à 100 % en Côte d'Ivoire, adaptée aux réalités du marché VTC ivoirien, et totalement exportable dans toute l’Afrique francophone » se réjouit Pierre‑Alexandre Assou. Le marché existe donc , il croît et se structure ; il offre une fenêtre d’opportunité pour introduire un service plus normalisé, alliant technologie, durabilité et impact social. Autant d’indicateurs qui donnent à Flot un terrain fertile où innover, croître et réinventer la mobilité urbaine africaine.
Pourquoi Pierre‑Alexandre Assou a toutes les cartes en main
Le profil de Pierre‑Alexandre Assou se distingue par sa combinaison de compétences et d’expériences. Fort d’un parcours en finance, private equity et gouvernance d’entreprise, il conjugue maîtrise des mécanismes financiers et compréhension profonde des réalités africaines. Sa connaissance des marchés et des instruments financiers est pointue : levées de fonds, structuration de dette, gestion des actifs… autant d’expertises qui lui donnent les clés pour bâtir un modèle économique solide. Mais ce qui le rend véritablement singulier, c’est son expérience directe des entreprises africaines. Pendant près de huit ans au sein d’Adenia Partners, il a côtoyé la gouvernance et les opérations locales, assimilant les défis opérationnels et identifiant les besoins réels du terrain. « Je cumule plus de dix ans d’expérience dans la finance, dont huit ans dans l’investissement privé sur le continent africain, atteste t-il. Et je suis surtout un passionné de la Côte d’Ivoire, qui m’a adopté il y a déjà huit ans. Mon cofondateur, Paul Wilson — directeur des opérations — totalise pour sa part plus de dix ans d’expérience dans l’industrie automobile et est également expert en consulting digital. Nous sommes également portés par une équipe de jeunes talents ivoiriens, experts tech, opérationnels, passionnée et surmotivée qui nous poussent chaque jour à nous dépasser ».
Au-delà de la finance et de l’opérationnel, Pierre‑Alexandre Assou porte une vision d’impact. La mobilité constitue aussi un vecteur de dignité pour les chauffeurs, un levier de transition énergétique et un moyen de structurer un service urbain plus inclusif. Il sait aligner des intérêts variés — chauffeurs, investisseurs, régulateurs, population urbaine — et construire des ponts entre eux. Dans le contexte ivoirien, où le marché de la mobilité urbaine est en pleine effervescence, son profil se révèle être un atout stratégique et visionnaire.
Ambitions & défis : l’équilibre entre idéal et réalité
Pour Pierre‑Alexandre Assou, Flot est plus qu’un business : c’est un levier de transformation sociale et économique. À terme, il vise à généraliser le modèle dans toute l’Afrique francophone, faire de Flot une référence de la mobilité durable, et offrir aux chauffeurs une vraie trajectoire — de la location à la propriété.
Mais le défi est de taille. Il faudra convaincre les investisseurs (levées de dette, structuration financière), adapter le modèle aux contraintes locales (infrastructures, coût de l’électricité, adoption des VE), et construire un modèle à la fois rentable et scalable.
Jean-Philippe Lasme, fondateur d’EcolePAY : une "EdFinTech" qui simplifie la vie de parents d’élèves en digitalisant le paiement scolaire
L’histoire de Jean‑Philippe Lasme, qui incarne la réussite d’un entrepreneur-technicien avec une vision sociale forte, a de quoi inspirer. Avec plus de vingt années d’expérience dans l’informatique — entre l’Afrique et l’Europe — il est aujourd’hui à la tête de EcolePAY, une fintech qui repense le paiement des frais scolaires. Son ambition ? Rendre caduque l’image des parents contraints de perdre des heures dans des files d’attente pour payer la scolarité de leurs enfants. Avec cette application, cet ingénieur s’attaque à un friction historique entre parents, écoles et argent. Son parcours, son expertise et ses ambitions en font un profil remarquable : un pont entre technologie, finance et éducation. Si le projet parvient à scaler, son impact pourrait dépasser celui d’un simple service, il pourrait transformer durablement la gestion de l’éducation privée en Côte d’Ivoire.
Genèse d’un projet né d’un vécu personnel
Tout commence en 2020, à l’aube de la pandémie de Covid‑19. Un matin à Abidjan, Jean-Philippe Lasme se rend à l’école pour inscrire ses enfants. « Je suis arrivé à 8 h et je suis ressorti à 12 h 30, juste pour payer la scolarité, récupérer un reçu et le déposer à l’école », se souvient-il. Ce récit, loin d’être isolé, reflète le quotidien de milliers de familles confrontées à des procédures administratives lourdes et chronophages.
Convaincu qu’il n’était plus acceptable de subir de telles contraintes pour un acte aussi simple, Jean-Philippe Lasme décide d’agir. Avec son équipe, il consacre deux années intenses à concevoir EcolePAY, une application mobile de paiement scolaire pensée pour fluidifier les démarches, gagner du temps et sécuriser les transactions. « Les écoles qui adoptent EcolePAY s’acquittent d’un ticket d’entrée annuel de 1 300 €, tandis que les parents bénéficient, pour leur part, d’un accès à l’application pour environ 15 € par an, quel que soit le nombre d’enfants qu’ils ont à inscrire.» indique t-il. Ce projet, né d’une frustration personnelle partagée par des milliers de parents, illustre comment un problème concret peut devenir le point de départ d’une innovation numérique à forte valeur ajoutée.
Une fintech au service de l’éducation
EcolePAY n’est ni une simple carte scolaire, ni un portail administratif. Derrière son apparente simplicité, c’est une solution pensée pour l’ensemble de l’écosystème éducatif : parents, écoles et établissements privés. Au premier abord, EcolePAY est considéré comme une FinTech, dont le cœur de métier repose sur la gestion sécurisée des paiements — Mobile Money, carte bancaire, USSD et autres solutions modernes —, la traçabilité des transactions, l’intégration avec les systèmes bancaires et opérateurs, le rôle de prestataire de services de paiement (PSP) et le respect strict des normes financières et réglementaires. En un mot, c’est la définition même d’une FinTech appliquée à l’éducation. « Grâce à l’application, les familles peuvent régler la scolarité, la cantine, le transport ou d’autres services scolaires en quelques clics. Immédiatement, un reçu électronique est généré, l’école reçoit le paiement en temps réel, et toutes les opérations sont centralisées dans un tableau de bord sécurisé » précise Jean‑Philippe Lasme. Cette dualité — la puissance technologique d’une fintech et la mission sociale d’une solution éducative — place EcolePAY dans la catégorie "EdFinTech", là où l’éducation rencontre l’innovation financière.
Il est cependant essentiel de préciser qu’EcolePAY opère dans le secteur éducatif sans digitaliser le contenu pédagogique ou l’apprentissage lui-même. Ce qu’elle transforme, c’est un processus administratif clé, c’est-à-dire le paiement scolaire, participant ainsi à la transformation numérique des écoles, tout en restant centrée sur les services financiers. EcolePAY n’est donc pas une EdTech classique, mais bien une FinTech spécialisée dans l’éducation, incarnant pleinement ce nouveau segment hybride que l’on nomme "EdFinTech".
Un marché porteur… et en pleine transformation
En Côte d’Ivoire, le paiement des frais de scolarité via mobile money n’est plus une simple expérimentation : il s’est imposé comme un phénomène de masse. Des initiatives publiques et privées ont permis des millions de transactions, avec une adoption particulièrement forte pour certains paiements scolaires, comme les inscriptions et les frais de rentrée. La GSMA rapporte qu’au cours de campagnes ciblées, 1,7 million de paiements ont été enregistrés, démontrant que le mobile money pouvait s’intégrer efficacement dans le quotidien des familles et des établissements.
Être une fintech aujourd’hui dans ce pays, c’est surfer sur une véritable vague de digitalisation. Le mobile money s’est imposé comme le mode de paiement dominant : selon le rapport Global Findex 2024, 46 % des jeunes de 15 à 24 ans utilisent un portefeuille mobile comme leur porte d’entrée vers la finance.
D’autres études et notes d’organisations telles que le CGAP ou la GSMA confirment que, dans certaines cohortes et pour des frais spécifiques, la quasi-totalité des paiements scolaires a basculé vers le numérique. Ces résultats soulignent que l’usage du paiement électronique peut atteindre des taux très élevés lorsqu’il est soutenu par des politiques publiques ou des partenariats solides. Pour EcolePAY, cela représente un marché mature et une opportunité réelle de devenir un acteur de référence dans l’EdFinTech en Afrique de l’Ouest.
Le contexte éducatif ivoirien reste néanmoins marqué par de fortes frictions dans le financement des établissements : retards de paiement, flux en espèces et lourdeurs administratives pèsent sur les écoles privées et les familles, comme l’analysent la Banque mondiale et l’UNESCO. Ces contraintes expliquent en partie pourquoi les solutions numériques, comme celle proposée par EcolePAY, sont fondamentales pour moderniser et fluidifier le secteur scolaire.
Traction, vision et valeur ajoutée
Depuis son lancement, EcolePAY affiche des ambitions claires et élevées. Plusieurs dizaines de milliers d’élèves sont déjà inscrits via la plateforme, et un pipeline d’établissements scolaires témoigne d’un début de traction prometteur. « En 2023, EcolePAY comptait 650 élèves répartis dans trois écoles ayant fait confiance à la plateforme. Dès 2024, ce chiffre a fortement augmenté, atteignant 11 000 élèves, et pour 2025, la projection est encore plus ambitieuse : 40 000 élèves devraient être inscrits dans une soixantaine d’écoles prestigieuses » déclare Jean‑Philippe Lasme.
Cependant, force est de constater que le marché n’est pas totalement vierge : des plateformes et solutions concurrentes proposent déjà le paiement numérique des frais scolaires, et certaines cohortes ont massivement adopté ces outils. Selon la GSMA, lors de l’année scolaire 2014–2015, lorsque le paiement numérique des inscriptions au secondaire a été rendu obligatoire par l’État, 99 % des élèves concernés ont utilisé cette méthode, dont 94 % via Mobile Money. Pourtant, malgré cette numérisation partielle, de nombreux établissements privés continuent de faire face à d’importants arriérés, des retards de paiement et une trésorerie instable. Autrement dit, le marché est ouvert : toutes les écoles et toutes les familles n’y sont pas encore, et les frictions — impayés, recouvrement, suivi, transparence — laissent un espace considérable pour un acteur bien positionné.
Ce qui distingue alors EcolePAY, c’est avant tout son agrément potentiel en tant que prestataire de services de paiement (PSP), un gage de sécurité pour les écoles comme pour les familles. « Être reconnu comme prestataire de services de paiement par la banque centrale nous confère une légitimité essentielle pour collecter et reverser les fonds en toute confiance » assure Jean‑Philippe Lasme. À cela s’ajoute une expérience utilisateur fluide et moderne, pensée pour être simple, mobile et accessible, réduisant les frictions habituellement associées aux paiements scolaires. La plateforme est également conçue pour être scalable : chaque nouvelle école ou parent adhérent augmente le revenu récurrent et contribue directement à la croissance de l’entreprise.
Un parcours à forte valeur ajoutée, gage de crédibilité
Crédit photo : ©Station F ©HEC Paris

Le parcours académique et professionnel de Jean-Philippe Lasme n’est pas un hasard : diplômé en IT de l’institut PIGIER en Côte d’Ivoire, puis titulaire d’un Mastère en Sécurité Informatique à l’ESIEA (France), il a travaillé dans des environnements exigeants — applications Office 365, sécurité, production chez des institutions comme BNP Paribas, Natixis Asset Management, Mercedes‑Daimler, avant de revenir en Afrique. Cette double expertise — financière et technique — lui donne la légitimité pour bâtir un service fintech robuste et fiable.
C’est cette combinaison unique — savoir-faire technique, expérience bancaire, vision sociale — qui fait de lui un fondateur capable de concevoir non seulement le produit, mais aussi l’écosystème — partenariats, conformité, adoption, scalabilité.
Ambitions et défis : viser l’impact large sans sacrifier la robustesse
L’ambition de Jean-Philippe Lasme n’est rien de moins que de réinventer le paiement scolaire dans toute la sous-région francophone. Derrière cette vision, les défis sont multiples : convaincre les écoles réticentes, garantir la sécurité des transactions, assurer une couverture mobile dans des zones moins connectées, et gagner la confiance des parents.
Pour atteindre cet objectif, EcolePAY doit exceller sur plusieurs fronts. La sécurité est primordiale : en tant que prestataire de services de paiement (PSP), la plateforme doit garantir des transactions et une gestion des données irréprochables, tout en respectant strictement les normes de conformité. Les études sur le mobile banking en Afrique montrent que la sécurité reste un enjeu central pour l’adoption et la confiance.
L’adoption large constitue un autre challenge : il s’agit de convaincre les écoles traditionnelles, de rassurer les parents et d’accompagner la migration vers des outils numériques. L’infrastructure doit être fiable et accessible, même pour les utilisateurs sans smartphone, via des solutions comme l’USSD ou les paiements hors connexion, afin de ne laisser aucune zone de côté.
Parallèlement, un service client solide et une gestion rigoureuse des paiements — relances, reçus, réclamations — sont indispensables pour prévenir impayés et litiges, et assurer une expérience fluide pour toutes les parties prenantes. Enfin, EcolePAY doit maintenir une stratégie de différenciation claire face à des concurrents déjà présents sur le marché, en démontrant sa valeur ajoutée et sa capacité à transformer une routine administrative souvent chaotique en un processus sécurisé, rapide et moderne.
Si ces conditions sont réunies, Jean-Philippe Lasme pourrait bien devenir, dans les années qui viennent, l’un des visages majeurs de la fintech éducative en Afrique francophone.
Délas & César N’dri, co-fondateurs de Wilyz : les frères qui veulent réinventer la mobilité ivoirienne
Dans un pays comme la Côte d’Ivoire où l’accès à un véhicule neuf dépasse encore les 12 000 à 15 000 euros pour les modèles les plus abordables , imaginer une mobilité moderne et accessible relève presque du défi national. C’est précisément ce défi que deux frères ivoiriens, Délas N’dri et César N’dri, ont décidé de relever en bâtissant l’un des projets industriels les plus ambitieux du pays : Wilyz, première initiative privée ivoirienne visant l’assemblage local de véhicules électriques pensés pour les réalités africaines. « Je suis particulièrement fier de ce projet, d’autant plus qu’il permettra de créer 800 emplois, dont 300 emplois directs et 500 emplois indirects ».
Un entrepreneur façonné par la mobilité : le parcours de Délas N’dri
Diplômé de l’INSEEC avec un Master of Science en Brand Management & Communication et formé en marketing à l’INP-HB de Yamoussoukro, Délas N’dri commence sa carrière comme marketing manager. Mais très vite, une intuition s’impose : la mobilité est l’un des leviers les plus puissants du développement économique en Afrique, capable de transformer l’accès aux marchés, aux emplois et aux services essentiels.
Fin 2017, cet ingénieur en Marketing franchit le pas de l’entrepreneuriat en co-fondant Kamtar, une plateforme numérique de logistique destinée à rapprocher transporteurs et entreprises. Cette expérience se révèle décisive, lui offront une plongée concrète dans les réalités d’un secteur central pour l’économie ivoirienne, mais largement sous-optimisé. Le constat est sans appel : le marché du transport est profondément fragmenté, dominé par une myriade d’acteurs informels et faiblement organisés. La digitalisation y est embryonnaire : selon les données de la Banque Mondiale, moins de 15 % des transactions de transport et logistique passent par des plateformes numériques, limitant l’efficacité et la traçabilité.
Le coût de la mobilité reste prohibitif pour une grande partie de la population : le transport urbain absorbe jusqu’à 20 % du revenu mensuel moyen des ménages, qui s’élève à environ 500 euros, alors que l’offre est souvent insuffisante et irrégulière. Au-delà de l’économie, le manque de solutions structurées accentue les déséquilibres régionaux et ralentit la croissance des entreprises qui dépendent d’une logistique fiable. Pour Délas, ces constats ne sont pas des obstacles, mais des opportunités : chaque défi souligne l’urgence d’une approche locale, intégrée et technologiquement innovante pour réinventer la mobilité en Côte d’Ivoire
Le déclic : l’obstacle de l’accessibilité automobile
La Côte d’Ivoire franchit un tournant décisif. En appliquant le décret n°2017-792 du 6 décembre 2017, le pays interdit l’importation de véhicules de plus de cinq ans. Objectif officiel : assainir un parc automobile vieillissant et répondre aux impératifs de sécurité routière et environnementale. Mais l’effet collatéral est immédiat. En raréfiant l’arrivée de voitures d’occasion, la mesure renchérit les prix et verrouille l’accès à la mobilité pour une large frange de la population. Avec un revenu médian qui avoisine les 500 euros mensuels, des millions de ménages se retrouvent brutalement exclus d’un marché déjà contraint.
C’est dans ce contexte que Délas, observateur attentif des transformations économiques du pays, pose un diagnostic simple : si l’importation devient un luxe, l’avenir de la mobilité devra se construire sur le terrain, au plus près des besoins locaux. L’enjeu dépasse le seul marché automobile, touchant à une question sociale fondamentale : comment offrir à des millions d’Ivoiriens une solution de déplacement moderne, fiable et financièrement accessible ?
Cette interrogation sera le point de départ d’une aventure entrepreneuriale. En septembre 2021, Délas fonde Wilyz, une initiative pensée comme une alternative locale et innovante, née de la conviction que la mobilité inclusive n’est pas une utopie, mais un impératif économique et sociétal.
César N’dri, l’ingénieur devenu co-bâtisseur industriel
L’aventure prend un tournant industriel lorsque le frère de Délas, César N’Dri — diplômé en Mécanique et Automatismes Industriels de l’INP-HB de Yamoussoukro — , rejoint le projet. Formé à la maîtrise des systèmes complexes et des logiques d’automatisation, cet ingénieur apporte la rigueur technique qui faisait défaut pour transformer un modèle commercial ambitieux en une véritable entreprise industrielle. En tant que Chief Operating Officer, César pilote un projet de création d’un site d’assemblage de 10 000 m², idéalement implanté au cœur du pays. Avec une équipe d’une quinzaine d’ingénieurs et techniciens, il est en charge de l’optimisation du processus d’assemblage, en vue pour réduire drastiquement les coûts. « L’assemblage local permet de réduire considérablement le prix de vente. Un véhicule importé coûte 15 000 euros, tandis que le même véhicule assemblé à Abidjan coûte 8 400 euros, soit une économie de 35 % pour l’acheteur » argumente t-il. Cette ambition illustre surtout la volonté de l’entreprise de structurer rapidement un marché traditionnellement éclaté et dépendant des importations, en posant les bases d’une filière automobile locale durable, capable de concilier accessibilité pour les ménages et industrialisation raisonnée
Assembler localement pour démocratiser l’accès au véhicule
Crédit photo : ©Wilyz

La vision des frères N’Dri se veut à la fois simple et audacieuse : offrir à la classe moyenne africaine une mobilité fiable, moderne et abordable. Au cœur de cette ambition se trouve la Wilyz A6. « Notre modèle phare est un véhicule électrique robuste conçu pour répondre aux besoins de mobilité de millions d’Ivoiriens de la classe moyenne » a déclaré César N’dri, pas peu fier. Proposé à partir de 9 900 euros, il combine accessibilité et adaptation aux conditions routières et climatiques locales. Lors du Salon de l’automobile d’Abidjan en septembre 2025, le prototype entièrement assemblé a été présenté au public, suscitant un vif intérêt et donnant lieu aux premières ventes. Ce positionnement stratégique répond à un défi structurel : en Côte d’Ivoire, le taux de motorisation demeure parmi les plus faibles au monde, avec seulement 44 véhicules pour 1 000 habitants, contre 580 en Europe (une estimation globale, fondée sur des données 2015 du parc automobile selon l’OICA, relayée notamment par un rapport de la Banque Mondiale / SSATP).
Pour Délas et César, l’objectif est clair : transformer la mobilité locale et stimuler un marché longtemps freiné par des infrastructures limitées et un pouvoir d’achat restreint. Les premiers signes de succès sont éloquents. Lors du Salon de l’automobile d’Abidjan, leur prototype fait sensation. Ministres, investisseurs, journalistes et simples curieux se pressent pour le découvrir et l’essayer. Le résultat est à la hauteur de l’attente. « À ce jour, nous avons réalisé plus de 4 millions d’euros de ventes, avec un pipeline de commandes de 26 millions d’euros » se réjouit César N’dri.
Un marché continental en pleine mutation
Les deux frères voient grand, très grand. Les ambitions des frères N’dri dépassent largement les frontières de la Côte d’Ivoire. Leur vision s’étend à l’ensemble de la CEDEAO, où le marché automobile demeure l’un des plus prometteurs du continent. Selon les dernières estimations (données compilées, issues du Mordor Intelligence et autres rapports publiés en 2024–2025), la valeur du marché automobile en Afrique subsaharienne oscille entre 22 et 28 milliards de dollars, un potentiel considérable encore largement sous-exploité, en particulier dans le segment des véhicules électriques. C’est précisément sur ce terrain que Wilyz entend s’imposer comme pionnier. « À l’horizon 2030, nous envisageons produire et vendre 3 600 véhicules, générer un chiffre d’affaires de 35 millions d’euros et atteindre une marge opérationnelle de 32 % » ambitionne César N’dri.
Cette trajectoire repose sur une stratégie rigoureuse et cohérente : industrialiser localement pour réduire drastiquement les coûts, monter progressivement en gamme pour répondre aux attentes des consommateurs, et accompagner la transition écologique du secteur automobile ouest-africain. Dans un marché longtemps dominé par l’importation et les véhicules d’occasion, Wilyz cherche à redéfinir les règles du jeu, en faisant de la mobilité durable un levier tangible de développement économique
Les défis qui les attendent
Le défi est immense : sécurisation de la chaîne d’approvisionnement, montée en puissance industrielle, homogénéité qualité, partenariats énergétiques, et surtout adaptation de l’infrastructure électrique nationale. Les frères N’DRI n’ignorent rien de tout cela. Mais ils savent aussi que les grandes révolutions industrielles naissent rarement dans le confort. Et leur génération, habituée à innover sous contrainte, en a fait une force.
Dans un marché automobile ouest-africain en pleine mutation, où la demande de solutions de mobilité modernes excède largement l’offre disponible, Wilyz aborde une phase décisive de son développement. Après avoir validé son modèle industriel et démontré l’appétit du marché pour une production locale accessible, l’entreprise se trouve aujourd’hui à l’heure des choix structurants. Pour transformer une vision en capacité industrielle, pour passer du prototype à la production en série, un seuil critique doit être franchi : celui du financement. Délas N’dri appelle désormais un soutien à la hauteur de l’enjeu : « Nous avons besoin d’un investissement de 8 millions d’euros pour financer la construction de notre usine et offrir enfin à la classe moyenne un accès réel à des véhicules véritablement abordables ».
Pour prolonger ce voyage au cœur de l’innovation ivoirienne — et découvrir les autres trajectoires très inspirantes, notamment celles de Marie-Ange Ehounou (gérante de Pouyou), David Say (fondateur de Myfiani), Loïk Behiri (co-fondateur d’AyoGreen), Andréas Gotiene (co-fondateur & CEO de Bokonzi) et Dr. Ousmane Soumahoro (fondateur de Umed eHealth Center) — , nous invitons nos lecteurs à poursuivre leur exploration en cliquant sur le lien ci-dessous. La seconde partie de ce dossier exceptionnel dévoile ces entrepreneurs qui sont en train d'anticiper l'avenir :
Harley McKenson-Kenguéléwa



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