Un détachement du franc CFA de l’euro pourrait entraîner deux scénarios diamétralement opposés, aux conséquences économiques et géopolitiques profondes. D’une part, une telle séparation pourrait ouvrir la voie à une plus grande souveraineté monétaire pour les pays africains concernés, leur permettant de mieux adapter leur politique monétaire aux spécificités économiques locales. Cependant, d’autre part, cela pourrait aussi provoquer une instabilité accrue, avec des risques de dévaluation, de volatilité des taux de change, voire de crise financière si la transition n'est pas soigneusement orchestrée. Ces scénarios opposés soulignent les enjeux complexes d'une réforme monétaire qui va bien au-delà du simple aspect technique.
Crédits : Issouf SANOGO
Auparavant rattaché au franc français, le Franc CFA est arrimé à l’euro depuis le 1er janvier 1999. Mais de plus en plus de voix s’élèvent sur le continent pour protester contre les accords de coopération monétaire liant la France à 16 pays d’Afrique subsaharienne depuis le 26 décembre 1945. Derrière cette revendication, la volonté de récupérer un peu plus de 72 milliards d’euros, somme qui correspond à 50 % des réserves de change de ces pays auprès du Trésor public français, selon un rapport émis par la zone franc. Cette situation illustre bien les enjeux économiques actuels sur le continent, où l'actualité économique africaine met en lumière les tensions liées à la souveraineté monétaire et les inégalités dans les relations économiques internationales. Penser que cette "cagnotte" pourrait à elle seule booster la croissance économique au sein de cet espace monétaire est un leurre : en passant d’un régime de parité fixe à un système de change flottant, le franc CFA deviendrait soumis à la loi de l’offre et de la demande et sa valeur serait déterminée dans les salles de marchés, au même titre que celle de la livre sterling ou du yen. La variation de son taux de change dépendrait également du niveau de richesse des pays concernés, de leur croissance économique et de leur stabilité politique. Dans ce contexte, malgré les 3 600 milliards de francs CFA mis au service du développement, l’« autonomisation » du franc CFA pourrait avoir des effets dévastateurs sur ces économies au niveau de développement inégal et encore très fragiles pour la plupart d’entre elles. À moins qu’une politique volontariste soit menée au sein de l’organisation monétaire africaine.