Franc CFA : Quels scénarios de sortie pour les pays africains de l'UEMOA et la CEMAC ?
Dernière mise à jour : il y a 2 jours
La sortie du Franc CFA impliquerait pour les entreprises issues des zones monétaires d’Afrique centrale et de l’Ouest une nouvelle donne dans leurs relations commerciales avec le reste du monde. Sous quelle forme ? Les solutions existantes sont-elles optimales ? La journaliste française Fanny Pigeaud et l’économiste sénégalais Ndongo Samba Sylla, co-auteurs du livre : " L’arme invisible de la Françafrique. Une histoire du franc CFA ", sont intervenus à une conférence qui s’est déroulée le Mardi 20 Novembre 2018 au sein la librairie " Résistances " dans le XVIIème arrondissement de Paris pour apporter leur éclairage sur les mécanismes de cette monnaie, les méfaits de cette devise sur les économies locales et les solutions alternatives visant à remplacer le système actuel.
Crédits : ©CEO Afrique
Le livre intitulé " L’arme invisible de la Françafrique. Une histoire du franc CFA " est sorti dans un contexte où les peuples d’Afrique issus des pays de la zone franc revendiquent dans leur grande majorité, de façon argumentée ou passionnée, l’instauration d’une nouvelle monnaie au détriment du franc CFA, symbole à leurs yeux de la domination coloniale d’autan, de l’ingérence monétaire et de l'emprise sur les économies africaines.
« Le contexte est en train de changer. On sent bien que la contestation dans un certain nombre de pays est en train de monter. Les mouvements citoyens s’organisent, notamment au Sénégal, voire au Cameroun et dans d'autres pays des sous-régions, ce qui oblige les dirigeants français et africains à s’exprimer sur le sujet », constate Fanny Pigeaud.
Si l'on se projette dans l’avenir, le détachement du franc CFA de l’euro s'apparenterait-il à un saut dans l'inconnu sur le plan économique ? Quels seraient les scénarios de sortie idéaux ?

Le franc CFA est actuellement la devise officielle des huit États membres de l'UEMOA (Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine) — le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo — et celle des six pays de la CEMAC (Communauté Économique
Billets de francs CFA —
Crédits : ©Issouf Sanogo
et Monétaire des États de l'Afrique Centrale) — le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Équatoriale, la Centrafrique et le Tchad — . Anciennement arrimé au franc français, il est désormais défini par une parité fixe avec l’Euro ( 1 euro = 655,957 francs CFA) depuis le 1er janvier 1999. Cette parité est conditionnée par une obligation pour l’ensemble de ces pays de déposer 50 % de leurs réserves de change au Trésor français. Cependant, le franc CFA de la zone CEMAC n’est pas interchangeable avec le franc CFA mis en circulation en Afrique de l’Ouest.
« Il est impossible pour un étudiant camerounais installé à Dakar d’utiliser des billets et pièces émis par la Banque des États de l'Afrique Centrale (BEAC) » explique Fanny Pigeaud.
Cette monnaie, dont l’acronyme CFA signifiait à l’origine " comptoirs français d'Afrique " et plus tard " franc des colonies françaises d’Afrique " fut créée par la France le 26 décembre 1945 à la suite des accords de Bretton Woods visant à réorganiser les relations monétaires entre les États au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
« L'économie française est sortie très affaiblie de la guerre. Le pays ne détenait pas suffisamment des réserves de change. L’inflation était trop élevée. C’est dans ce contexte qu’est né le franc CFA », nuance Ndongo Samba Sylla. Pour sa part, Fanny Pigeaud ajoute « que le franc CFA a été conçu pendant la période coloniale dans un but bien précis : recréer du lien économique entre la France et ses colonies africaines et permettre à l’hexagone de profiter des matières premières à des prix bon marché [ ... ] ».
Une mainmise sur la politique monétaire dans les pays de la zone franc
La journaliste française dénonce le franc CFA comme un instrument de coercition politique, économique et monétaire utilisé par l’ancienne puissance coloniale, un contrôle qui a débuté bien avant les indépendances en Afrique subsaharienne francophone.