Plans de relance économique tous azimuts, dépréciation des monnaies, augmentation de la masse monétaire mise en circulation ... Tous les ingrédients sont réunis pour que se crée une guerre des changes. Alors que le yuan chinois cherche à briser l’hégémonie du dollar, il convient de s’interroger également sur la place de l’euro dans ce système monétaire international en plein ébullition, d’autant plus que l’on assiste à l’émergence de devises digitales des banques centrales. " Rivalité Euro/Yuan/Dollar : la nouvelle guerre des monnaies " : Tel a été le thème du webinaire organisé le 7 Avril dernier par la Fondation "Prospective et Innovation", auquel ont participé Christian Noyer (gouverneur honoraire de la banque de France), l’investisseur David Baverez, Michael Block, (directeur général d’Adit Ventures) et l’économiste Jean-Paul Betbeze ; modéré par l’ancien premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, et le directeur général de la Fondation Prospective et Innovation, Serge Degallaix. Le webzine CEO Afrique, qui a visionné cette e-conférence, s’est penché sur les risques éventuels de ces tensions monétaires, sur la base des interventions de panélistes.

« Cette guerre — peut-être une guerre froide — a commencé par des droits de douane et s’est ensuite développée sur le terrain technologique et monétaire, ce qui nous montre bien que les États-Unis s’inquiètent beaucoup de l’émergence de la Chine et que la nation N°2 se verrait bien à la place de la nation N°1 [ ... ] ». C’est par ce chapitre introductif que l’ancien premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, a ouvert la conférence organisée par la Fondation Prospective et Innovation, dont il est le président.
Durant une grande partie du XXème siècle, la rivalité politique entre les États-Unis et la Chine fut l’un des vecteurs principaux de la Guerre de Corée, la Guerre du Viêtnam ou la première crise du détroit de Taïwan. Aujourd’hui, cet affrontement s’est déplacé sur le terrain technologique, économique financier et monétaire.
Aux États-Unis, le premier volet du méga-plan de relance doté 1.900 milliards de dollars — baptisé "American Jobs Plan" — prévoit de financer la modernisation des infrastructures de transport (routes, ponts, ports, aéroports, trains), en vue de créer des emplois locaux. Un deuxième volet — dénommé "American Families Plan"— qui contiendrait une enveloppe de plus de 1.000 milliards de dollars, aura pour objectif, s’il est adopté, de soutenir un programme axé sur la garde d’enfants, les congés payés et la gratuité de certaines universités. Ces sommes astronomiques — du jamais vu depuis la période du "New Deal" mis en place par le président de l’époque, Franklin Delano Roosevelt — expose clairement les prérogatives de la Federal Reserve System [ ou FED : Réserve fédérale des États-Unis, NDLR). Nul ne doute que la banque centrale du pays fait marcher à plein régime la planche à billets, au risque d’injecter un excès de masse monétaire par rapport à la quantité de biens existant dans le circuit économique. De par cette surabondance artificielle de capitaux, le dollar pourrait se déprécier plutôt que s'apprécier dans un avenir proche, soutenant par la même occasion les exportations et la croissance des États-Unis. À ce titre, le président Joe Biden caresse aussi l’idée de mieux lutter face la concurrence chinoise.