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Dollar, yuan, euro, cryptodevises ... Faut-il craindre une guerre des monnaies ?

Dernière mise à jour : 21 févr. 2022


Plans de relance économique tous azimuts, dépréciation des monnaies, augmentation de la masse monétaire mise en circulation ... Tous les ingrédients sont réunis pour que se crée une guerre des changes. Alors que le yuan chinois cherche à briser l’hégémonie du dollar, il convient de s’interroger également sur la place de l’euro dans ce système monétaire international en plein ébullition, d’autant plus que l’on assiste à l’émergence de devises digitales des banques centrales.

" Rivalité Euro/Yuan/Dollar : la nouvelle guerre des monnaies " : Tel a été le thème du webinaire organisé le 7 Avril dernier par la Fondation "Prospective et Innovation", auquel ont participé Christian Noyer (gouverneur honoraire de la banque de France), l’investisseur David Baverez, Michael Block, (directeur général d’Adit Ventures) et l’économiste Jean-Paul Betbeze ; modéré par l’ancien premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, et le directeur général de la Fondation Prospective et Innovation, Serge Degallaix.

Le webzine CEO Afrique, qui a visionné cette e-conférence, s’est penché sur les risques éventuels de ces tensions monétaires, sur la base des interventions de panélistes.



« Cette guerre — peut-être une guerre froide — a commencé par des droits de douane et s’est ensuite développée sur le terrain technologique et monétaire, ce qui nous montre bien que les États-Unis s’inquiètent beaucoup de l’émergence de la Chine et que la nation N°2 se verrait bien à la place de la nation N°1 [ ... ] ». C’est par ce chapitre introductif que l’ancien premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, a ouvert la conférence organisée par la Fondation Prospective et Innovation, dont il est le président.


Durant une grande partie du XXème siècle, la rivalité politique entre les États-Unis et la Chine fut l’un des vecteurs principaux de la Guerre de Corée, la Guerre du Viêtnam ou la première crise du détroit de Taïwan. Aujourd’hui, cet affrontement s’est déplacé sur le terrain technologique, économique financier et monétaire.


Aux États-Unis, le premier volet du méga-plan de relance doté 1.900 milliards de dollars — baptisé "American Jobs Plan" — prévoit de financer la modernisation des infrastructures de transport (routes, ponts, ports, aéroports, trains), en vue de créer des emplois locaux. Un deuxième volet — dénommé "American Families Plan"— qui contiendrait une enveloppe de plus de 1.000 milliards de dollars, aura pour objectif, s’il est adopté, de soutenir un programme axé sur la garde d’enfants, les congés payés et la gratuité de certaines universités. Ces sommes astronomiques — du jamais vu depuis la période du "New Deal" mis en place par le président de l’époque, Franklin Delano Roosevelt — expose clairement les prérogatives de la Federal Reserve System [ ou FED : Réserve fédérale des États-Unis, NDLR). Nul ne doute que la banque centrale du pays fait marcher à plein régime la planche à billets, au risque d’injecter un excès de masse monétaire par rapport à la quantité de biens existant dans le circuit économique. De par cette surabondance artificielle de capitaux, le dollar pourrait se déprécier plutôt que s'apprécier dans un avenir proche, soutenant par la même occasion les exportations et la croissance des États-Unis. À ce titre, le président Joe Biden caresse aussi l’idée de mieux lutter face la concurrence chinoise.


Justement, du côté de l’Empire du Milieu, l'activité économique bat son plein quasiment sur tous les fronts, avec quelques chiffres à donner le vertige, si l’on en croit les dernières données économiques émises par les autorités locales : un PIB en hausse de 18% au 1er trimestre, en comparaison avec le début de l’année 2020, lorsque l’économie était paralysée par la pandémie de Covid-19 , et un excédent commercial qui a grimpé de 690% !


David Baverez, investisseur français installé à Hong Kong, apporte son éclairage et ses enseignements, quant à l’interprétation des plans de relance de part et d'autre :


« Alors que les Etats-Unis cherchent à construire des routes et des autoroutes, la Chine veut éviter les investissements non productifs et a décidé d’allouer environ 25% de son budget aux infrastructures liées à la révolution digitale et environnementale, par exemple l’accélération de la 5G, l’Internet des objets et le mix énergétique où les énergies renouvelables vont remplacer le charbon [ ... ]. Ces deux approches font non seulement ressortir une opposition quantitative, mais aussi une opposition de philosophie. En Occident, on relance l’économie par la relance de la consommation. En Chine, c’est l’inverse : c’est la relance de l’économie qui va tirer la relance de la consommation [ ... ] ».


Les autorités chinoises tablent désormais sur une croissance de 6% cette année, mais devront tenir compte des facteurs géopolitiques de tension internationale (surtaxation par l’ancienne administration Trump des produits importés depuis la Chine, maintien des droits de douane par l’administration Biden, interdiction d’importation aux États-Unis d’un certain nombre de produits fabriqués au Xinjiang etc.... ).

Il faut aussi garder à l’esprit que la Banque centrale chinoise a adopté pendant très longtemps une stratégie délibérée de dévaluation compétitive, faisant tomber le yuan à un niveau très bas, afin de booster les exportations du pays.


Pour sa part, la Banque centrale européenne (BCE) a récemment maintenu ses trois taux directeurs à leur plus bas historique. Autrement dit la plupart des banques commerciales situées dans les pays membres de la zone euro seront amenées à pratiquer des taux d’intérêt faibles sur les prêts octroyés aux clients.


Hypothétiquement, cette quête de la compétitivité entre grandes puissances pourrait conduire la FED à entretenir un flux permanent