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La révolution numérique met l’Afrique en ébullition

Dernière mise à jour : 31 déc. 2023

Au-delà du fait que la Méditerranée serve de "passerelle" entre trois grandes régions du monde, une autre raison rapproche particulièrement l’Afrique de l’Europe : son effervescence numérique, dont le point d’orgue fut notamment l’organisation d' "Emerging Valley" en Décembre dernier . Le continent africain voit naître depuis quelques années un véritable écosystème de start-up technologiques.

Si plusieurs atouts permettent à cette partie du globe d’être en bonne position sur la scène du digital, l’engagement des institutions et des pouvoirs publics devra toutefois être une condition sine qua non pour que cette révolution numérique batte son plein .




Pauvreté, climat de quasi-conflit ethnique ou religieuse, guerre contre le terrorisme etc… Pour peu que l’on garde en mémoire de quelques pays d’Afrique ces images anxiogènes rapportées par les médias, et malgré le regain d’intérêt des gros fonds d’investissement internationaux pour cette partie du monde, le fait de parler de " start-up africaines " pourrait faire encore sourire un bon nombre d’autres acteurs du capital-risque habitués à miser sur les pépites européennes, asiatiques ou américaines, qui hésiteraient ainsi à prendre un billet pour le continent … Et ils ont bien tort : ‘Yabacon Valley’ dans la banlieue de Lagos au Nigeria, ‘Silicon Savannah’ (Kenya), le projet ‘Kigali Innovation City’ au Rwanda etc… Difficile de ne pas saisir l’allusion ! Car il existe bel et bien une scène Tech africaine en pleine effervescence. C’est en substance le message que l’on a tenté de faire diffuser au Sommet « Emerging Valley », lors du débat inaugural " L’innovation technologique, moteur des transformations africaines : le temps de l’accélération " qui s’est tenu le 4 Décembre à Aix-en-Provence, dans l’amphithéâtre du "TheCamp", au sein duquel l’auditoire espère un jour que les labos et les start-up – où s’invente le monde de demain – ne se limiteront plus à la Silicon Valley, à Shenzhen ou Tokyo.


« Ce que l’on voie depuis trois ans, c’est l’explosion des écosystèmes numériques africains et l’impact que le numérique a sur les populations les plus fragiles, dans le domaine de la santé, l’éducation ou l’énergie a affirmé en préambule Samir Abdelkrim, initiateur du Sommet ‘Emerging Valley’. [ … ] Les écosystèmes se sont démultipliés; nous sommes passés en 10 ans de quelques dizaines d’incubateurs à plus de 600 aujourd’hui ».


Le Kenya, parmi les fers de lance de la Tech africaine, est un cas d’école : M-Pesa a vu grand, très grand. Née en 2007 sur l’initiative de l’opérateur " Kenyan Safaricom ", la jeune pousse a mis en place un système de paiement mobile, permettant à des personnes non bancarisées d’effectuer des transactions et d’accéder à des services financiers sans passer par des établissements bancaires classiques. Aujourd’hui, 22,6 millions de personnes au Kenya utilisent cet outil. Une success story qui ne doit rien au hasard : M-Pesa bénéficie d'un très grand nombre de mobinautes au Kenya , avec un taux de pénétration Internet mobile qui s’élève à l’heure actuelle à près de 24 % selon l’association internationale d’opérateurs et de constructeurs de téléphones cellulaires (GSMA), et 8.3 millions de Kényans qui sont sur les réseaux sociaux.


 
 


Depuis, M-Pesa a fait des émules à travers tout le continent, à l’instar d’Orange Money en Côte d’Ivoire, relayé par la suite par des applications issues de la FinTech, dotées de fonctionnalités beaucoup plus avancées.


Autre figure de proue de la scène Tech kenyane : Erik Hersman qui collectionne entre autres deux sites Internet, " WhiteAfrican " et " AfriGadget ", ainsi que trois entreprises de premier plan à vocation sociale. Apporter Internet via des bornes dans les zones les plus reculées, voila un des domaines dans lequel ce natif de Floride excelle et a pu concrétisé au sein de sa start-up " BRCK " créée en 2014. Ayant fait preuve d’un étonnant sens de l’anticipation, il cofonde, sept ans auparavant, Ushahidi, une application mobile qui a cartographié les violences ayant secoué le pays entre 2007 et 2008 et qui a permis de sauver des centaines de vie. L’espace d'innovation technologique " iHub ", créé en mars 2010 et considéré comme une référence parmi les Tech Hubs en Afrique, est également à inscrire à son actif.


« Les Africains sont en train de concevoir leurs propres produits et services, relève Erik Hersman qui met en exergue leur créativité et leur ingéniosité. C’est très bien, mais il va falloir, dès à présent que chacun de nous puisse se les procurer ».


 
 

A une heure de vol de Nairobi, le Rwanda n’est pas en reste. Les autorités multiplient les mesures d’encouragement à la création de jeunes pousses prometteuses. AC Group ltd, Mergims, GiraICT, Irembo, SafeMotos etc … : Un simple coup d’œil sur ces success stories locales suffit pour se rendre compte à l’évidence : Le pays des Mille Collines veut s’ériger en une terre " tech-friendly ".


 

 

Parmi ceux qui se sont rangés sous les étendards du développement de l’entrepreneuriat digital rwandais, figure Clément Uwajeneza, fondateur d’Irembo, un portail Internet qui a permis de réduire considérablement les tracas administratifs et actuel directeur d’Andela Rwanda, une structure en charge de former des développeurs.



Des obstacles à surmonter


Quelques zones d’ombre et failles planent sur ce paysage numérique. Tout d’abord, l’Afrique dans sa globalité demeure, pour un bon nombre d’investisseurs étrangers, une terre d’incertitude. Un sentiment particulièrement vexant pour quelques uns des acteurs majeurs de l’ écosystème digital rwandais, dont fait partie Clément Uwajeneza qui fait part de son incompréhension, d’autant plus que le Rwanda constitue le 2ème meilleur environnement des affaires du continent, si l’on en croit le rapport " Doing Business " établi par la Banque Mondiale.


« Lorsque nous questionnons des investisseurs potentiels sur leur réticence à investir dans nos écosystèmes, ces derniers estiment, en guise de réponse, qu’ils ne sont pas certains que le marché va suivre, que les entreprises ne sont pas assez matures, qu’il y a pas suffisamment de compétences etc. [ … ] . Il s’agit d’une question qui tourne toujours autour de la confiance » constate t-il.


 
 

Autre goulet d’étranglement : les conditions d’accès aux ressources éducatives extrêmement limitées qui entravent l’apprentissage des outils informatiques et numériques . Inversement, l’un des défis à relever est le problème de connexion au web, une condition préalable à la transformation de l’éducation en Afrique. Selon Internet World Stats, les taux de pénétration Internet sont très faibles : 10,2% au Niger, 8,6% en République Démocratique du Congo, 5,3% Centrafrique, 6,5% au Tchad ( contre 89% au Kenya, 64,8% au Maroc et 61,4% au Nigeria) etc.. Ajouté à cela les coûts de connexion Internet exorbitants, eu égard au pouvoir d'achat des populations locales.


« On ne peux parler d’innovation, de digital et de préparation des générations futures à la transformation de l’Afrique demain sans parler d’éducation, soutient Sarah Toumi, membre du Conseil Présidentiel pour l’Afrique et Marraine du SIBC 2019 (Social Inclusive Business Camp). [ ... ] Une grande partie de la population africaine, essentiellement rurale, n’a pas forcément accès à Internet ».


Saisissant cette vérité première, Dr Taleb Sid Ahmed, le Ministre mauritanien de l'Emploi, la Jeunesse et des Sports, abonde dans ce sens.


« [ … ] Notamment dans les pays d’Afrique francophone, les systèmes éducatifs n’ont pas su s’adapter aux mutations technologiques ; ils ont valorisé davantage les disciplines axés autour de la littérature au détriment des sciences et des mathématiques. Nous accusons donc un grand retard dans le domaine du numérique [ … ] . Nous souhaitons aujourd’hui orienter nos investissements vers la mise à niveau du secteur éducatif afin que les jeunes puissent pleinement profiter des mutations technologiques ».


Plus alarmant, la fragilité d’un grand nombre d’écosystèmes entrepreneuriaux sur le continent, caractérisés par le manque ou l’insuffisance de structures d’appui aux entreprises, d’offre immobilière de bureaux, de financements, de dispositifs en matière fiscale, de routes ou de centrales électriques, qui ne jouent pas suffisamment leur rôle de catalyseur :


« [ … ] Il y a de jeunes talents africains, pleins d’idées déjà bien structurées. [ … ] Mais ce qui leur manque, c’est un écosystème qui va les porter. Il va falloir passer rapidement de l’incubation à l’accélération » commente Sarah Toumi .


 
 

Les voies de la réussite


Mais entre les zones d’ombre, percent quelques éclaircies. Toute cette décennie aura été la période de prise de conscience par les Etats africains de l’importance de la transformation numérique. En témoigne le Ministre Guinéen des PME et de l’Industrie, Tibou Kamara


« Nous avons procédé à un certain nombre d’initiatives et d’engagements ; nous avons réalisé des investissements importants dans le domaine des infrastructures et des télécommunications pour améliorer la connectivité et aussi pour favoriser l’émergence de services nouveaux , notamment dans le domaine de la Finance, énumère t-il, faisant indéniablement allusion aux projets de développement d'axes de fibre optique) et de déploiement des réseaux de téléphonie mobile à travers toutes les région de Guinée. Nous avons récemment organisé une semaine numérique pour essayer de transporter cette innovation au niveau des écoles. [ … ] La plupart des centres d’autopromotion ont été transformés en centres informatiques [ … ] ».


Dr Taleb Sid Ahmed lui a emboîté le pas, faisant part de son profond respect et sa reconnaissance sans limites pour le travail et les réalisations effectuées par les initiatives privées (Sahel Fablab, Hadina Rimtic etc ...) dans la mise en place d'un écosystème local organique.


L’heure est également à l’optimisme en ce qui concerne la problématique du financement.


 
 

Même si les start-up africaines connaissent d’énormes difficultés à lever des fonds, le nombre de jeunes pousses financées par le capital-risque suit une courbe ascendante : 686,4 millions de dollars en 2018 contre 560 millions de dollars l’année précédente, selon les études établies respectivement par le site Digest Africa et le fonds d’investissement Partech Africa, avec une préférence pour les services financiers et les secteurs à fort contenu technologique.



 

Par Harley McKenson-Kenguéléwa




 

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