L’Afrique et l’espace : un grand bond symbolique ou un levier stratégique ?
- Harley McKenson-Kenguéléwa
- 1 mai
- 39 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 juin
L’Union africaine a récemment inauguré au Caire le siège de l’Agence Spatiale Africaine, fruit d’un chantier institutionnel lancé près d’une décennie plus tôt. Si le continent ne dispose pas encore de lanceurs ni de bases spatiales à grande échelle, il est déjà bien ancré dans l’orbite mondiale grâce à une flotte croissante de satellites d’observation et de télécommunication, déployés en partenariat avec des puissances comme la Chine, l’Europe ou les États-Unis. Pourquoi investir dans le spatial quand les besoins de base restent immenses ? L’espace africain est-il un symbole d’émancipation technologique, ou une stratégie de souveraineté numérique à long terme ? À l’occasion de la table ronde intitulée "L’Afrique à la conquête de l’espace", co-organisée le 29 avril dernier par le quotidien L’Opinion et le CIAN — dans le cadre de de la 15ème édition du Forum Investir en Afrique —, un panel d’experts a tenté d’apporter des réponses à ces questions, explorant les motivations, les limites, mais aussi les ambitions concrètes qui guident aujourd’hui la trajectoire orbitale du continent.

Crédit photo : ©CEO Afrique
« Par la création de l’Agence spatiale africaine, l’Afrique a choisi de marquer la mémoire collective, avec une ambition stratégique : orchestrer de manière coordonnée ses initiatives spatiales à l’échelle continentale ». Ces mots, prononcés par Tidiane Ouattara, scientifique ivoirien et président du Conseil de l’Agence spatiale africaine (AfSA), lors du dernier Forum Investir en Afrique, résument en une phrase l’ampleur du virage que le continent est en train de négocier dans le domaine spatial. Elle dit tout d’un projet qui dépasse le simple horizon technologique pour s’inscrire dans une dynamique plus vaste de souveraineté et d’intégration. Loin de l’imaginaire des fusées tonitruantes et des combinaisons spatiales, il s’agit ici d’une initiative pensée également comme un instrument de projection géopolitique et de repositionnement stratégique à l’échelle mondiale. Dans un geste à la fois solennel et hautement symbolique, l’Union africaine inaugurait le 20 avril dernier au Caire, en Égypte, le siège officiel de l’AfSA. Cet événement, longtemps attendu et soigneusement orchestré, marque une étape significative dans l’histoire du continent en matière d’innovation. Dans un contexte où de nombreux États africains peinent encore à satisfaire des besoins fondamentaux — infrastructures, santé publique, connectivité de base — , la question de la légitimité d’un programme spatial africain divise. En effet, dans un continent où des millions d’enfants n’ont pas accès à l’école, où la pénurie d’eau menace les campagnes, et où les routes impraticables freinent les échanges, évoquer la conquête spatiale pourrait relever de la provocation. La tentation est grande, chez certains observateurs, de dénoncer une fuite en avant technologique, un "caprice de dirigeants" face à des priorités sociales urgentes. Mais pour d’autres experts, ce procès en déconnexion repose sur une fausse dichotomie : l’espace n’est pas une simple alternative au développement, il en est un catalyseur puissant.
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