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Photo du rédacteurHarley McKenson-Kenguéléwa

Écosystèmes start-up en Afrique : entre dynamisme et fragilité

Dernière mise à jour : 30 juil.


Répartition et évolution des levées de fonds, caractéristiques des investisseurs, secteurs d'activité les plus attractifs , activité des structures d’appui aux porteurs de projet etc... Lors d’une conférence intitulée "Startups et investisseurs en Afrique, panorama, secteurs porteurs et perspectives" qui s’est tenue à l'Accor Arena Paris, une équipe d'experts issus du monde du capital-investissement et de l’entrepreneuriat a présenté le panorama des écosystèmes entrepreneuriaux et d’innovation africains, a décrypté les stratégies gagnantes des acteurs du venture capital & du private equity dans un contexte d’incertitudes macroéconomiques et nous a éclairé sur le positionnement et les perspectives des incubateurs & accélérateurs qui cherchent à faciliter un meilleur accès au capital pour ces start-up sur le continent.

Parmi les panélistes, ont figuré : Cyril Collon (General Partner & co-directeur du fonds d’investissement Partech Africa), Stéphan-Eloise Gras (directrice exécutive de Digital Africa), Christophe Viarnaud, (fondateur de Methys ) et Gilles Le Cocguen (Directeur de EuroQuity). Le webzine CEO Afrique, qui visionné cette conférence, vous fait ressortir les principaux éléments de leur intervention et de leurs échanges.


Alors que s’est ouverte la 6e édition de "Bpifrance Inno Génération" (Big 2020) le 1er Octobre à l'Accor Arena Paris, plusieurs professionnels de l’investissement et de l’entrepreneuriat ont dressé un état des lieux des écosystèmes start-up en Afrique, lors de la conférence intitulée "Startups et investisseurs en Afrique, panorama, secteurs porteurs et perspectives". Si le paysage du capital-risque peut se targuer de belles réussites en matière de levées de fonds, il subsiste encore une marge de progression importante pour pouvoir espérer un jour rivaliser avec les écosystèmes entrepreneuriaux se trouvant sur les autres continents.


Le cap des 2 milliards de dollars levés franchi

Les levées de fonds font partie intégrante des signaux de dynamisme et 2019 a été une année record . De ce fait, le fonds d’investissement Partech Africa avait publié un rapport le 29 Janvier 2020 permettant d’avoir une image représentative du capital-risque. Les investissements réalisés dans les start-up et PME ont enregistré une croissance de 74% par rapport à l’an passé, avec un montant historique de 2,02 milliards de dollars US ( 1,163 milliard en 2018) émanant de 234 start-up qui ont effectué 250 levées, contre 164 tours de table qui ont été réalisés par 146 jeunes pousses l’année précédente

Le Nigéria occupe une place centrale dans l’écosystème entrepreneurial africain et a capté 747 millions USD d’investissement, se hissant sur le podium, devant le Kenya et ses 564 Million de dollars collectés, l’Égypte (211 Millions USD) et l’Afrique du Sud (205 Millions USD). Par contre, ce géant d’Afrique de l’Ouest ne comptabilise que 38 tours de table, se classant ainsi au 4e rang derrière l’Afrique du Sud, le Kenya et l’Égypte dans ce domaine.

« [ .... ] C’est aussi l’augmentation du nombre de pays au sein desquels les entreprises ont reçu des investissements; on a dénombré 18 États africains en 2019 [ ... ] » ajoute Cyril Collon.

Avec 54,5% du total du financement, la FinTech occupe une bonne place en Afrique.

« Au niveau des secteurs, ce sont essentiellement des Fintech; 40% sur les 2 milliards collectés étaient axés autour de la FinTech, avec le Nigéria à l’épicentre » analyse Cyril Collon

Hormis ce segment porteur de la finance, deux autres secteurs font figure de porte-étendard, illustrant la maturité croissante des modèles d’affaires peaufinés par les porteurs de projet. L’Internet & Mobile constituent de leur côté le deuxième segment en nombre d’entités avec 29,3 % . Les solutions B2B constituent le troisième secteur pour les levées de fonds, qui représente 16,1% des financements contre (30,4% en 2018).


Cinq entreprises sortent particulièrement du lot. Tout d'abord Interswitch (Nigeria), spécialisé dans la Fintech, qui a opéré la plus grosse levée de fonds de l’African Tech en 2019 : 200 millions de dollars. Derrière, Opay a levé 120 millions d'euros tandis la start-up qui livre des produits médicaux par drone, Zipline (Rwanda), a levé un montant identique. Tala au Kenya (110 millions) et Andela (100 millions) complètent ce Top 5.


 
 

Des secteurs prometteurs

Contexte de crise sanitaire oblige, le capital-risque est en train de changer de visage et l’engouement des investisseurs pour les jeunes pousses du secteur médical ne se dément pas.

« Du point de vue sectoriel, la FinTech est toujours présente; mais aucun gros deal n’a encore été réalisé. Avec la nouvelle donne, les apporteurs en capitaux ont choisi de faire un focus sur la santé publique, notamment la HealthTech, et sur l’ EdTech. Il y a un nombre insuffisant de deals réalisés par les start-up EdTech. Par contre, les HealthTechs connaissent clairement une dynamique forte depuis le début de l’année » observe Cyril Collon .

Les investisseurs continuent de s'intéresser à l’économie distribuée (espaces de co-makers, co-working, couchsurfing, airbnb etc...), à l’agriculture et aux solutions B2B au point de faire entrer quelques startups de ces secteurs dans leur giron.


 
 

Des challenges décisifs à relever pour l’African Tech

Un écosystème startup se caractérise par sa capacité à engendrer et faire développer une pléthore de pépites innovantes, avec le soutien d’une multitude de structures d’appui qui interagissent entre elles: incubateurs, accélérateurs, campus d’innovation, fablabs, espaces de coworking, sociétés de capital-risque & business angels etc...  Au regard de cette définition, il n’existe pas, à proprement parler, d’une véritable montée en puissance de la majeure partie des écosystèmes start-up en Afrique. Même si le montant des fonds levés par les jeunes pousses locales est croissant d’année en année et malgré son dynamisme entrepreneurial et son vivier de talents plus important, force est de constater que le continent ne compte que quatre licornes [ Licorne : entreprise des nouvelles technologies dont la valorisation a atteint au moins 1 milliard USD, NDLR ] :  la plateforme nigériane d’e-commerce Jumia, le fournisseur sud-africain de produits alimentaires Promasidor holdings, sa compatriote "Cell C" spécialisée dans les produits et services mobiles et la société égyptienne de paiements électroniques Fawry. A titre de comparaison, les États-Unis recensent 233 licornes et la Chine en rassemble 227, selon une étude du groupe de médias Hurun basé à Shanghai. La taille moyenne des entreprises en Afrique reste très largement inférieure à celles se trouvant en Europe, aux États-Unis ou Asie.

Christophe Viarnaud, fondateur de Methys tire les enseignements qui s'imposent des conclusions du rapport concernant l'innovation technologique et les startups en Afrique, établi par Africarena, et apporte son éclairage sur les causes systémiques :

« [ ... ] À l’exception notable de l’Afrique du Sud et de l’ABAN (African Business Angel Network) qui tente de structurer au mieux l’activité de business angels, le nombre d’Angels et de VC [ Venture Capitalist : Capital-risqueur, investisseur en capital-risque NDLR ] est très limité sur le continent et n'est pas comparable à ce que l’on peut observer aux États-Unis ou en France. Nous n'assistons pas actuellement à l’émergence d’une seconde génération d’entrepreneurs et de success stories qui réinvestissent dans le secteur de la Tech et qui réussissent ».

Même son du cloche du côté de Cyril Collon, avec des propos plus nuancés quant au nombre de levées de fonds de startups auxquelles des investisseurs étrangers ont participé :

« [ ... ] L’Afrique du Sud a toujours été dans le radar des investisseurs pour ce qui est des levées de fonds early stage [ ... ]. L’ Égypte vit un phénomène assez similaire : il y a beaucoup d’acteurs locaux, mais aussi un non nombre d'investisseurs internationaux qui interviennent, tels que l’Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis, sur les opérations majeures ».

 
 

Pour sa part, Stéphan-Eloise Gras, directrice exécutive de Digital Africa, a mené une analyse sous un angle purement macroéconomique, au sujet des obstacles futurs qui peuvent potentiellement entraver le développement des start-up africaines  :

« [ ... ] L’accord portant sur la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAF) devra déboucher sur la création du plus grand marché d'Afrique avec 1,2 milliard de consommateurs potentiels. Donc, les enjeux sur les question de commerce électronique, les complexités réglementaires, les enjeux d’harmonisation et les limites à la liberté d’établissement sont considérables [ ... ] ».


 
 

De nouveaux mécanismes d’appui qui visent à accélérer la croissance des startups

Depuis une dizaine d’années, on assiste déjà une floraison de centres d'appui à l’entrepreneuriat, étant souvent l’œuvre d’initiatives privées et constituant de véritables vecteurs d’innovation, faute de véritables politiques publiques en la matière, notamment dans les pays francophones, avec une répartition géographique inégale et concentrés en grande partie dans les États de la sphère anglophone.

« [ ... ] Les incubateurs sur le continent effectuent un travail de bonne qualité: I-Hub, au Kenya, CcHUB au Nigéria, le réseau Impact Hub etc... Ces structures sont indispensables pour encadrer les porteurs de projet, surtout quand ils ont des difficultés d’accès à des business angels qui vont davantage jeter leur dévolu sur des entrepreneurs jouissant déjà d’une grande notoriété [ ... ] », souligne Christophe Viarnaud .

 
 

Les structures d’appui et de financement tendent à se diversifier . Ainsi, Digital Africa par exemple, qui disposait initialement d’une capacité d’investissement de près de 65 millions d’euros lors de sa création en 2018 sous l’impulsion de la présidence française, a mis sur pied " Digital Africa Bridge ", sur le modèle du " French Tech Bridge " créé par BPI France.


« Ce dispositif s’adresse aux startups qui devaient réaliser une levée de fonds dans les prochains mois, mais qui se heurtent actuellement à une contraction du capital-risque, du fait de la crise. Avec des tickets de 200 000 à 600 000 euros , il viendra en complément de financements d’investisseurs privés ou institutionnels à des conditions favorables. [ .... ] précise Stéphan-Eloise Gras. Les défis des entrepreneurs africains aujourd’hui sont considérables et à fortiori en période de pandémie. Du côté de Digital Africa, on essaie de prendre la mesure de cette situation. Il faut les aider à construire leur projet et acquérir de la résilience pour qu'ils soient capables de survivre à cette crise et se développer dans la durée [ .... ] » .


Dans un autre registre, tout en restant dans la même lignée de pensée, EuroQuity est une plateforme qui permet aux entreprises innovantes de se connecter avec des investisseurs et des structures d’accompagnement .


« [ ... ] La difficulté pour les entreprises qui veulent s’implanter à l’international, c’est d'identifier les bons partenaires. C’est d’autant plus vrai quand il s’agit d'établir une connexion entre l’Europe et l’Afrique, constate son directeur général, Gilles Le Cocguen. L’enjeu, c’est de savoir les connecter : Telle est la mission d’EuroQuity, c’est-à-dire créer des ponts et des synergies entre les écosystèmes européens des start-ups et ceux d’Afrique », conclut-il.

 

Par Harley McKenson-Kenguéléwa

 

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