Soucieuses d’améliorer l’attractivité du Cameroun, les autorités mènent une politique proactive auprès des investisseurs étrangers afin que ces derniers développent leurs projets sur le territoire national. "Le climat des affaires et les opportunités au Cameroun" : Tel est l’intitulé de l’atelier organisé par le CIAN en collaboration avec le journal "L’Opinion ", auquel ont participé plusieurs décideurs politiques de premier plan. Le webzine CEO Afrique, qui a visionné cet événement, vous décrypte le rôle que peuvent jouer les investissements étrangers dans la dynamisation économique et déchiffre la stratégie déployée par le gouvernement, visant à accroître davantage l’attractivité de cet État d’Afrique centrale .
« L’Afrique en miniature, c'est le Cameroun. Le potentiel du continent, c'est le Cameroun. Le leader économique de la sous-région d’Afrique centrale, c'est le Cameroun ! » Alamine Ousmane Mey, ministre camerounais de l’Économie, de la Planification et de l'Aménagement du territoire, qui a prononcé ces mots assez forts, ne s'en cache pas : Son pays a besoin des investissements étrangers pour relancer, voire stimuler l'économie nationale. Il n’a donc pas manqué de le rappeler au parterre d’investisseurs potentiels, lors d’un atelier intitulé "Le climat des affaires et les opportunités au Cameroun", dans le cadre du Forum Afrique organisé le 23 Juin dernier à Paris par le CIAN (Conseil français des Investisseurs en Afrique) et le quotidien "L’Opinion ". Un message d'autant plus appuyé que, pour la première fois depuis Juillet 2015, un président français, en l’occurrence Emmanuel Macron, s’est rendu le 25 Juillet 2022 au Cameroun, accompagné d’une importante délégation de chefs d’entreprise français qui ont apprécié sur place les opportunités d’investissement s’offrant à eux.
Plus globalement, en faisant un état des lieux exhaustif, on se rend compte que les chiffres concernant les investissements directs étrangers (IDE) réalisés au Cameroun sont relativement bons, eu égard à la conjoncture internationale peu favorable, comme en témoigne le dernier rapport de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le développement). Le montant des IDE s’élevait à 664 millions d’USD en 2016 pour grimper à 814 millions d’USD en 2017 et descendre légèrement à 762 millions d’USD en 2018. Ensuite, les investissements étrangers atteignent 1,027 millions de dollars en 2019 ; ils sont de 850 millions de dollars en 2021, faisant oublier la grande encoche du Covid (675 millions de dollars en 2020). Aujourd'hui, les analystes ne peuvent que constater une hausse constante des IDE en provenance de Chine, et la France en perte de vitesse qui, pendant très longtemps, était la principale pourvoyeuse de ces investissements.
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Une économie diversifiée
Riche en ressources naturelles, le Cameroun a du pétrole, avec une production de 67 000 barils par jour en 2020, si l’on en croit la U.S. Energy Information Administration (l’agence américaine d’information sur l'énergie) et possède également d’abondantes réserves de cobalt, manganèse, nickel, fer et bauxite, encore sous-exploitées. De plus, on estime à 4,8 milliards de pieds cubes de gaz naturel les réserves de ce gisement.
Mais le pays n’a pas mis tous ses œufs dans le même panier. Il bénéficie d’un tissu économique préexistant, dense et diversifié par l'importance de PME — notamment à Douala et Yaoundé — et garantissant une pluralité de secteurs d’activité, avec des champions camerounais — Telcar Cocoa , Cadyst Invest, supermarchés Dovv, Congelcam, pour ne citer que quelques exemples — qui font preuve d'un réel dynamisme face à leur marché. L’expérience montre en effet que les investisseurs sont plus enclins à investir là où il existe déjà de l’activité. En faisant sans aucun doute abstraction de la situation actuelle du secteur informel, Augustine Mireille Abongo — conseillère technique au Ministère des PME, de l’Économie Sociale et de l'Artisanat — tient à préciser en outre que « [ ... ] que le secteur privé est constitué en majeure partie de Petites & Moyennes Entreprises ».
Par ailleurs, une étude du Fonds Monétaire International (FMI) fait ressortir que l’économie camerounaise représentait près de 45 % du PIB de la CEMAC en 2021 [ Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale, regroupant le Cameroun, la République centrafricaine, le Congo-Brazzaville, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad , NDLR ]. Cet avantage concurrentiel que représente la diversification de l’économie camerounaise permet d’élargir l’éventail de ses débouchés à d’autres marchés de la sous-région.
« Le Cameroun se positionne comme la locomotive de l’Afrique centrale. Il constitue, de par son économie diversifiée et son potentiel agricole, "le grenier" de la sous-région. Sa double appartenance à la CEMAC et la CEEAC (Communauté économique des États de l'Afrique centrale) lui confère un accès à un marché de près de 330 millions de consommateurs » rappelle Charles Assamba Ongodo, directeur général de la Coopération et l’Intégration, au ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire. L’ancrage du Cameroun à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), dans la mesure où il pourrait stimuler le commerce intra-africain et, plus singulièrement, renforcer la confiance dans une véritable stabilité macroéconomique du pays, serait susceptible de bien changer la donne. « Avec la mise en œuvre de la ZLECAF, nous sommes résolus à mettre à profit l'exploitation d’un marché évalué à près de 1,2 milliard de consommateurs, dans l’optique d’être plus productif et compétitif en termes de qualité et en quantité [ ...] » concède Charles Assamba Ongodo.
Pour sa part, Marthe Angeline Minja, directrice générale de l’Agence de promotion des investissements au Cameroun (API) — qui fait désormais office de cheville ouvrière de l’État en matière de politique d’attraction des investissements étrangers — n’a pas manqué d'insister sur l’existence d’un régime de faveur dédié aux entreprises nouvellement créées, une manière de couper court aux allégations — corroborées ou non — selon lesquelles le poids de la fiscalité dans le pays constitue un réel obstacle aux investissements étrangers :
« Le Cameroun est doté d’un dispositif d’incitation fiscale, comprenant une exonération totale de l’impôt sur les sociétés & des taxes et une franchise des droits de douane à compter de la première année, et ce, pendant cinq ans, période à l’issue de laquelle cette exonération est éliminée progressivement, à partir du moment où l’entreprise poursuit son activité [ ... ] ».
Toute la question est alors de savoir si ce régime s’applique à l’ensemble du territoire national ou se limite exclusivement à des zones économiques spéciales. « Le législateur a pensé que les investissements ne doivent pas se concentrer dans les seules villes de Douala ou Yaoundé. De ce fait, il existe des incitations spécifiques, dédiées aux entreprises aux sociétés se trouvant dans des zones éloignées du Cameroun [...]. L’API — l’Agence de Promotion des Investissements — s’érige en porte d'entrée des investisseurs que nous mettons un point d’honneur à accueillir, accompagner et conseiller jusqu’à la mise en œuvre effective de leur projet » ajoute Marthe Angeline Minja.
Surmonter les handicaps
Le Cameroun mérite-t-il pour autant son titre de "locomotive" de l’Afrique centrale ? Une chose est certaine : analystes et experts s’accordent à dire que le développement camerounais n’est pas à la hauteur de son immense potentiel de croissance. Ainsi, si le pays demeure en pôle position en matière de diversification économique, il reste une forte marge de progression à réaliser en ce qui concerne le niveau de ses investissements directs étrangers. Les chiffres parlent d'eux mêmes : Le Congo-Brazzaville et la République Démocratique du Congo ont été des bénéficiaires bien plus importants de flux d’IDE en 2021, soit respectivement 3,691 milliards USD et 1,870 milliard USD ( contre 850 millions USD pour le Cameroun).
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D'autre part, le Cameroun doit faire face à des défis redoutables et plusieurs signaux d'alerte ont déjà été tirés : la persistance d’un chômage élevé, un indice de développement humain en bas de l’échelle selon le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), des coupures intempestives d'électricité en raison du vieillissement des infrastructures et, compte tenu de l'instabilité de la conjoncture internationale actuelle, une augmentation des prix des denrées alimentaires, ainsi qu’une pénurie de carburant dans les stations-services.
De son côté, Roger Mbassa Ndine, maire de Douala, pointe du doigt une insuffisance de réseaux de transport routier beaucoup plus viables qui favoriseraient davantage l’essor de l’économie locale : « Les embouteillages interminables font partie du quotidien à Douala, une ville vers laquelle converge près d’un million de femmes et d’hommes. La mobilité urbaine représente l’un des aspects cruciaux à améliorer afin de faciliter la circulation. Nous invitons les investisseurs à s’impliquer dans le domaine des infrastructures de transport, l’amélioration de l’habitat — particulièrement dans le quartiers de Mambanda, New Bell et "Douala 5e" — et dans la gestion de la navigation fluviale [ ... ]. Par ailleurs, la Banque Mondiale a approuvé un financement de 260 milliards de Francs CFA pour le lancement du projet Bus Rapid Transit (BRT) de Douala » .
Il va sans dire que les autorités devront surmonter bien des obstacles pour atteindre leur objectif très ambitieux de porter la croissance à 8% par an — alors que la croissance réelle du PIB pour l’année 2022 ne s’élèvera qu’à 3,8 %, selon le FMI — et beaucoup dépendra de l'accélération des réformes accompagnant cette croissance sur lesquelles le gouvernement est en train de travailler d’arrache-pied. L'afflux d'investisseurs étrangers est d'autant plus urgent qu'il constitue de toute façon l’un des clefs de voûte de la réussite de la mise en œuvre de la SND30 (Stratégie Nationale de Développement-Cameroun 2030).
De cette ambition, découlent plusieurs axes stratégiques à suivre : En premier lieu, la réalisation d’investissements plus conséquents dans le secteur de l’énergie, servant de catalyseur pour le développement de l’ensemble du secteur privé. « C’est à travers une production et un approvisionnement énergétique de qualité que nous parviendrons à accélérer le processus d'industrialisation du pays » soutient Alamine Ousmane Mey, ministre de l’Économie, de la Planification et de l'Aménagement du territoire. Un autre volet de ce plan met en exergue la priorisation de secteurs propices à l’implantation de nouvelles entreprises et usines, dont les activités sont créatrices d’emploi. « La stratégie du Cameroun est d'orienter les investissements vers des filières stratégiques tels que la filière coton-textile-confection, la filière peaux-cuir-maroquinerie, ainsi que la filière laitière. L’agriculture est le pilier majeur du développement économique du Cameroun, un secteur pour lequel l’engagement d'investisseurs privés est décisif [ ... ]. Nous voulons également bâtir les fondations de notre économie en nous appuyant sur les secteurs de l'immobilier et du numérique » poursuit Alamine Ousmane Mey.
Parmi les priorités sectorielles non évoquées, on peut aussi citer la construction d’ateliers de traitement et de transformation de fèves de cacao et d’usines d'égrenage de coton. Dans le domaine de l’énergie, la transformation du gaz en électricité fait partie des pistes de réflexion qui sont actuellement explorées .
Dans un tout autre registre, Roger Mbassa Ndine met en avant la nécessité de booster la destination Cameroun sur le segment du tourisme d'affaires — MICE Meetings, Incentives, Conferencing, Exhibitions — un domaine où l'enjeu est d'importance puisqu’il subsiste encore une marge de progression considérable par rapport à des villes comme Cape Town, Marrakech ou Kigali qui trustent régulièrement le palmarès ICCA [ International Congress and Convention Association : Association internationale des conférences et congrès, NDLR ] sur le continent africain. Les programmes d'équipements publics annoncés, destinés à rattraper un lourd retard dans ce domaine, sont d'ailleurs à la hauteur des ambitions du maire de la ville de Douala : « Représentant un montant d’investissement de près 600 milliards de francs CFA, le projet Sawa Beach de Douala sera un pôle multifonctionnel doté d’une superficie de 150 hectares qui proposera des centres de conférence & congrès, des hôtels, une marina et des logements, ce qui permettra d’attirer davantage des investisseurs [ ... ] » .
Dans le domaine des infrastructures de transport, l’une des priorités sera également d’assurer une efficience des opérations portuaires, des flux de marchandises et des chaînes d'approvisionnement, eu égard aux prometteuses perspectives d’expansion du Port autonome de Kribi (situé à proximité des principaux sites d’extraction minière du Cameroun), en augmentant le nombre d’ installations d'entreposage et de stockage.
Harley McKenson-Kenguéléwa
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