Développement, émergence et multipolarité : la nouvelle ère des économies en transition
- Harley McKenson-Kenguéléwa

- 14 avr. 2022
- 40 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 oct.
La mondialisation du XXIe siècle ne se limite plus à l’opposition binaire entre nations riches et nations pauvres. Elle se joue désormais dans les nuances, les zones grises, les transitions. Dans un monde où les pôles d’influence se multiplient, les hiérarchies économiques se redéfinissent, bouleversant l’architecture héritée de l’après-guerre. Au cœur de cette recomposition, des catégories comme pays émergents, pays en développement, marchés frontières, Sud global ou encore BRICS occupent une place centrale, à la fois dans les discours économiques et dans les stratégies géopolitiques. Ces termes, omniprésents dans les rapports institutionnels, les analyses financières et les débats diplomatiques, traduisent une réalité mouvante : celle d’économies en transition, où la promesse de croissance cohabite avec des fragilités structurelles. Derrière ces notions se cache bien plus qu’un simple vocabulaire technocratique. Elles reflètent des trajectoires économiques hétérogènes, des rythmes de croissance contrastés et des ambitions politiques souvent rivales. Les pays en développement illustrent encore l’écart persistant avec les nations les plus industrialisées, mais aussi la dynamique de transformation accélérée portée par l’urbanisation, la jeunesse démographique et la montée progressive de nouvelles classes moyennes. Les pays émergents, quant à eux, incarnent la bascule vers des économies capables d’attirer massivement les investissements directs étrangers, de se projeter sur les chaînes de valeur mondiales et de devenir des acteurs incontournables des échanges internationaux. Plus en amont encore, les marchés frontières représentent ces économies aux portes de l’intégration, à haut potentiel de croissance mais encore fragiles dans leurs infrastructures financières et politiques. À ces catégories s’ajoute une dimension politique : celle du Sud global. Derrière cette formule se dessine une volonté collective d’exister sur la scène internationale autrement que comme de simples spectateurs des décisions venues du Nord. Le terme cristallise des revendications sur le commerce, la finance, la justice climatique ou la gouvernance mondiale. C’est dans ce contexte qu’émerge également le bloc des BRICS, d’abord simple construction marketing inventée par une banque d’investissement, devenu progressivement un forum politique capable de contester la prééminence des institutions occidentales. Ces regroupements, parfois fragiles, parfois ambitieux, témoignent d’un monde où la multipolarité n’est plus une hypothèse mais une réalité. Cette nouvelle cartographie économique n’est pas seulement une affaire de définitions. Elle conditionne les stratégies d’investissement, redessine les flux de capitaux, influence les alliances diplomatiques et modifie les équilibres régionaux. L’avenir des chaînes de valeur industrielles, la réorganisation du commerce mondial, la sécurisation des ressources stratégiques ou encore la transition énergétique globale dépendent directement de ces économies en transition. Ce sont elles qui alimentent les grandes dynamiques démographiques, qui concentrent une urbanisation accélérée et qui cristallisent les tensions autour de l’endettement souverain, de l’accès aux matières premières et des défis environnementaux. Alors que les lignes de fracture traditionnelles s’effacent, une question s’impose : dans quelle mesure ces catégories permettent-elles réellement de comprendre le monde contemporain ? Sont-elles encore des grilles de lecture pertinentes ou de simples étiquettes commodes pour masquer une réalité plus complexe ? En explorant les notions de développement, d’émergence et de multipolarité, il convient de décrypter les recompositions en cours et d’ouvrir une réflexion sur la nouvelle ère qui s’annonce : celle d’économies en transition, situées à la croisée des chemins entre vulnérabilités persistantes et potentiel d’hypercroissance.

Crédit photo :©CEO Afrique / Harley McKenson-Kenguéléwa
Au tournant de la troisième décennie du XXIe siècle, les projecteurs se braquent sur une géographie mouvante où l’économie mondiale redessine ses lignes de fracture et de convergence. Dans les salles de marché de New York comme dans les bureaux de planification d’Asie, dans les enceintes diplomatiques de Genève comme dans les zones franches du Golfe, un même constat s’impose : l’ancienne division entre pays industrialisés et pays restés en marge ne suffit plus à rendre compte des dynamiques actuelles. L’essor de puissances régionales, la montée en puissance d’acteurs financiers installés dans des capitales longtemps périphériques, la multiplication de zones industrielles intégrées aux chaînes de valeur mondiales, tout concourt à imposer de nouvelles classifications. Dans ce contexte, l’Afrique, avec ses marchés en expansion, ses investissements étrangers croissants et la diversification de ses secteurs productifs, se positionne comme un acteur incontournable de la redistribution économique globale. Le vocabulaire s’enrichit de notions désormais incontournables — pays émergents, économies en développement, marchés frontières, Sud global, BRICS —, des étiquettes qui ne relèvent pas seulement de la sémantique mais traduisent des rapports de force réels, des trajectoires économiques contrastées et des stratégies d’influence de plus en plus affirmées. Ces catégories, reprises par les institutions financières internationales, par les agences de notation et par les cabinets de conseil, constituent à la fois des repères pour les investisseurs et des outils de positionnement diplomatique. Elles permettent d’identifier des zones de croissance rapide, de mesurer les risques systémiques liés à l’instabilité politique ou à l’endettement, mais aussi de comprendre la recomposition progressive d’un ordre mondial où la multipolarité n’est plus une hypothèse mais une donnée structurante.
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