top of page

La République Démocratique du Congo, prochain géant économique sur le continent africain ?

Dernière mise à jour : 14 juil.


Cet État d’Afrique Centrale dispose d’atouts importants pour devenir bientôt l’un des principaux acteurs économiques dans cette partie du monde. Si le potentiel de croissance est extrêmement élevé, l’environnement des affaires a cependant besoin d'être amélioré davantage. "Investir en République Démocratique du Congo" : Tel a été l’intitulé de la rencontre d’affaires qui s'est déroulée le 25 Novembre dernier au siège de la Fédération Nationale des Travaux publics (FNTP) à Paris, organisée conjointement par le CIAN (Conseil français des investisseurs en Afrique) et l’ANAPI (Agence Nationale pour la Promotion des Investissements), en collaboration avec la Chambre de commerce et d’industrie de la région Paris Île-de-France et les cabinets Sud Axe Partners et Relecom Partners. Un événement auquel le webzine CEO Afrique était présent.


Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo


La République Démocratique du Congo séduit de plus en plus. Pendant longtemps, elle a eu ses tragédies, ses espoirs déçus, ses scandales nationaux, ses guerres, ses conflits intérieurs etc ... La situation sécuritaire actuelle à l’Est du pays aurait pu également développer chez les investisseurs les plus téméraires des répulsions extrêmes ; mais c’est plutôt un effet boomerang qui semble se produire. Il va sans dire que cet État d’Afrique centrale souffre encore d’une image africaine stéréotypée et demeure pénalisé par le conservatisme d’un bon nombre d’investisseurs étrangers. L'analyse de leurs décisions montre qu’ils ont davantage une prédilection pour des pays comme l’Afrique du Sud, l’Égypte ou le Nigeria.


Pour renverser la situation, Anthony Nkinzo Kamole, directeur général de l'Agence Nationale pour la Promotion des investissements (ANAPI) met un point d’honneur à faire connaître la RDC sous un prisme différent et n’a pas manqué de réagir sur les actualités du moment, par rapport aux éventuelles réticences et hésitations des milieux d’affaires internationaux à investir en RDC :


« [ ... ] Eu égard au conflit entre l'Ukraine et la Russie, la distance qui sépare Paris et Kiev est similaire à celle se trouvant entre Kinshasa et l’Est de la RDC, c’est Kiev et Paris. Ce qui se passe dans la ville de Kiev n’impacte aucunement la capitale française. C’est comme cela qu'il faut appréhender les choses. Ceci est d’autant plus vrai que les entreprises continuent de fonctionner normalement. Je puis même vous affirmer que beaucoup de touristes visitent cette partie du pays. Le responsable de l’Hôtel Goma Sera, avec qui je me suis entretenu récemment, m’a fait savoir que l’établissement est en situation de sur-réservations ».


Même son de cloche chez Arnaud Kremer, président de la société IREMOS & RDIPlus, spécialisée dans la gestion de crise, la sûreté & l’Intelligence Économique, pour qui « les principales crises identifiées se déroulent à des milliers de kilomètres de Kinshasa. On peut développer son business dans le pays, y compris dans les zones les plus sensibles ».


Pour sa part, Étienne Giros, président du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) concède volontiers que : « [ ... ] les risques peuvent survenir de temps à autres, mais sont surmontables. La République Démocratique du Congo est tellement vaste qu’on peut y développer ses affaires sans crainte. Les entreprises ont démontré leur capacité à réussir et travailler partout à travers le pays, y compris dans des zones compliquées ».


 
 

Un retour à l'optimisme


Quoi qu’il en soit, les autorités ont su faire naître une confiance dans le climat des affaires et particulièrement dans la bonne tenue des comptes publics, comme en témoigne un rapport publié courant Janvier 2022 par l’agence de notation Standards & Poor’s Global Ratings (S&P), dans lequel est indiqué le relèvement de la note souveraine de la RD Congo, passant de "CCC+/C" (risque substantiel, en mauvaise condition) à " B-/B " (hautement spéculatif, avec des perspectives stables). Un changement de statut que le directeur général de l’ANAPI, Anthony Nkinzo Kamole, tient à souligner : « Le FMI, la Banque mondiale et la Banque Africaine de Développement estiment que l’économie de la RDC est résiliente, d’où cette amélioration de notre cotation par les agences de notation. Notre pays bénéficie d’une remontée des prix des matières premières et tire profit de l’augmentation de la production agricole. Les taux de croissance enregistrés figurent parmi les plus élevés en Afrique, soit 5,7% de variation annuelle en 2021, avec de meilleures perspectives estimées à 6,1% en 2022 et 6,4% en 2023. Je pense que la RDC atteindra le double dans les 6 ou 7 prochaines années, surtout avec la montée en puissance des hydrocarbures et de l’agriculture. Les éléments fournis dans le rapport par l’agence de notation Standards & Poor’s Global Ratings constituent un signe fort d’amélioration de l’attractivité de l’environnement des affaires ».

 
 

Autres statistiques qui viennent attester que la République Démocratique du Congo est en train de gagner en crédibilité et en visibilité, celles des investissements directs étrangers (IDE). À en juger par le dernier rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement sur l'investissement dans le monde (CNUCED), la RD Congo figure dans le Top 10 destinations africaines favorites en matière de prises de participation dans des sociétés locales, de bénéfices réinvestis ou prêts entre affiliés, attirant ainsi, l'année dernière, 1,870 milliards de dollars d'investissements, juste derrière, par ordre d’importance, l’Afrique du Sud (40,889 milliards USD), l’Égypte (5,122 milliards USD), le Mozambique (5,102 milliards USD), le Nigeria (4,844 milliard USD), l’Éthiopie (4,259 milliards USD), le Congo-Brazzaville (3,691 milliards USD), le Ghana (2,614 milliard USD), le Sénégal (2,232 milliards USD) et le Maroc (2,153 milliards USD).


Les principaux pourvoyeurs d’IDEs en RDC sont l’Afrique du Sud, la Belgique et la Chine sont les principaux investisseurs du pays. La présence française, quant à elle, est encore fort discrète. Toutefois, les choses commencent à bouger dans la direction souhaitée. « Un chef de service économique, qui a récemment pris ses fonctions au sein de l’Ambassade de France en RD Congo, contribuera à identifier les opportunités dans ces secteurs d’intérêt prioritaire pour l’Hexagone et accompagner l’intérêt des entreprises françaises pour la RDC. Ces dernières déjà présentes sont pleinement mobilisées pour valoriser l’immense potentiel économique du pays et en convaincre de nouvelles de s’y implanter [ ... ]. Notre souhait est que les sociétés françaises puissent se positionner sur les grands projets structurants pour le pays et qu’elles puissent accroître leurs investissements en RDC [ ... ] » affirme Olivier Becht, ministre délégué chargé du Commerce extérieur, de l’attractivité et des français de l’étranger.


David IZZO, directeur adjoint de la diplomatie économique, au ministère de l’Europe & des affaires étrangères, abonde dans ce sens, estimant que « de nombreuses entreprises françaises travaillent au quotidien pour accompagner les grandes transformations économiques sociales et technologiques qui sont mises en œuvre par la RDC. Je pense notamment à la filiale GVA du groupe Vivendi (Group Vivendi Africa), l’opérateur Orange qui déploie son réseau 4 G et son offre de paiement mobile, la société Schneider Electric spécialisée dans l’électrification des milieux ruraux ou TotalEnergies qui soutient l’activité économique congolaise grâce à son réseau de stations-service [ ... ] ».


Dans le peloton de tête des grandes autres entreprises tricolores qui ont franchit le pas vers le fait d'investir en RDC figurent entre autres le groupe Castel (brasseries Bracongo et Brasimba), leader sur le marché des bières et boissons gazeuses dans le pays, la compagnie pétrolière Perenco, le groupe Bolloré Africa Logistics, le groupe Accor qui exploite les hôtels Pullman, le groupe de certification & inspection Bureau Veritas, la compagnie aérienne Air France, le fabricant de matériel électronique Sagemcom, Thales Air System, l’armateur de porte-conteneurs CMA-CGM, le spécialiste de la distribution automobile CFAO (distribution automobile) et la marque d’équipements sportifs Decathlon.



Cette hausse de la cote de confiance envers la République Démocratique du Congo, Kamahunda Mulamba la ressent et la voit également à travers l’expérience de terrain qui est la sienne, en sa qualité de directeur "Afrique" du cabinet de conseil en stratégie Sud Axe Partners : « Lorsque j’avais quitté Paris en 2008 pour me rendre en RDC en vue de monter une entreprise de développement de logiciels, spécialisée dans les projets offshore, l'environnement des affaires y était plutôt rude : il existait une certaine complexité administrative ; le temps nécessaire pour créer une entreprise s’élevait à six mois minimum. L’accès à Internet s’effectuait globalement par satellite, avec un coût de connexion exorbitant avoisinant les 1800 dollars, un développement long et laborieux des ressources humaines dans le cadre du démarrage d’activité de ma nouvelle société etc .... Aujourd’hui en 2022, il existe désormais un interlocuteur unique pour créer une entreprise, des conditions d’accès à Internet avec des opérateurs téléphoniques qui offrent du haut débit, des universités dans les domaines de la technologie et l’informatique qui ont réalisé des progrès remarquables, avec en prime des stages formateurs très courts, augmentant la capacité des candidats à s’insérer plus facilement sur le marché du travail etc ... Tout investisseur qui s’implante pour la première fois en RDC tombera forcément amoureux de ce pays. Vous pouvez vous y rendre les yeux fermés ! ».


Cet enthousiasme non dissimulé fait écho aux déclarations prononcées par S.E. Mme Isabel Machik Ruth Tshombe, ambassadrice de la République Démocratique du Congo en France :


« Depuis plusieurs années maintenant, une dynamique est en marche en RDC. Les choses bougent ; les jalons sont posés dans la bonne direction avec les autorités congolaises. Tout, dans mon pays, est en mouvement et foisonnent de possibilités, de savoir-faire et d’initiatives. Aucun décideur économique qui se projette à l'international ne peut ignorer les opportunités qu'offre la République démocratique du Congo ».


Ce qui est en train de se passer en République Démocratique du Congo pourrait peut-être bientôt ressembler, toutes proportions gardées, à l’esquisse d’une amorce de décollage économique observée en Chine il y a une quarantaine d’années : une véritable prise de conscience de la part d’un bon nombre d’investisseurs aussi subite qu’inattendue. Preuve en est, Kinshasa est en ce moment "the place to be" pour les milieux d’affaires internationaux. « Le forum "Rencontres Africa" qui s’est déroulé à Kinshasa du 22 au 25 Novembre 2022, labellisé par Business France, a vu la participation d’une quarantaine d’entreprises françaises » rapporte le ministre délégué chargé du Commerce extérieur, de l’attractivité et des français de l’étranger, Olivier Becht.


Par ailleurs, le pays s'apprête à accueillir en grande pompe la 7ème édition de la "Semaine Française à Kinshasa", un salon professionnel qui sera organisé au sein de l’Hôtel Pullman dans la capitale congolaise du 29 au 31 Mars 2023 par la Chambre de Commerce et d’Industrie Franco-Congolaise (C.C.I.F.C.) en partenariat avec l’Ambassade de France en RDC et les Conseillers du commerce extérieur de la France en RDC.


Des atouts majeurs pour attirer de nouveaux investissements étrangers


Parmi les terres d’opportunités les plus prisées en Afrique, la République Démocratique du Congo constitue un peu un cas à part. Ses atouts sont nombreux, mais revêtent une dimension exceptionnelle quand on scrute de près quelques spécificités.


Tout d’abord, elle a pour elle de faire valoir l’immensité de son marché intérieur doté de plus de 100 millions de consommateurs, avec des capacités d'expansion exponentielle qui la rendent très attractive pour les opérateurs économiques si l’on considère que le potentiel de marché doit être évalué à l’échelle de la SADC [Southern African Development Community : Communauté de développement de l’Afrique australe, NDLR] comprenant 16 États membres et l’EAC [ East African Community : Communauté d'Afrique de l'Est, NDLR ] rassemblant sept pays. « Les investisseurs se plaignent souvent du fait que les marchés africains soient trop étroits. En ce qui concerne la RD Congo, il s’avère que le marché de consommateurs est suffisamment vaste » observe Étienne Giros, président du CIAN.



En second lieu, la République Démocratique du Congo offre un réel gigantesque de réservoir de ressources naturelles (notamment le cobalt, le lithium, le coltan, l’uranium, le diamant, l’or, le cuivre, le plomb, le zinc, le cadmium, l’étain, le tungstène et le manganèse pour ne citer que quelques exemples). Les autorités ambitionnent de pouvoir nouer des partenariats stratégiques gagnant-gagnant, par exemple dans le cadre de la création de joint-ventures, ce qui permettrait de bénéficier de l’ingénierie, de l’expertise et du savoir-faire étrangers pour la mise sur pied d’une véritable chaîne de valeur sur place, allant de l’extraction et l’exploitation de ces matières premières jusqu’à leur commercialisation, en passant par des processus de transformation créateurs de valeur ajoutée, une stratégie qui serait en quelque sorte calqué sur un modèle de collaboration qui a fait ses preuves en Botswana, en l’occurrence entre Debswana Diamond Company Ltd et le conglomérat diamantaire De Beers.


 
 

« Nous souhaitons accompagner le développement du secteur minier qui est primordial pour l’économie congolaise. Le savoir-faire français couvre l’ensemble de la chaîne de valeur et pourrait contribuer à un développement durable et responsable des ressources minérales de la RDC, en partenariat avec l’écosystème économique local » assure Olivier Becht, ministre délégué chargé du Commerce extérieur, de l’attractivité et des français de l’étranger.


À noter que les plus grandes réserves de lithium de roche dure inexploitées au monde existent sur le territoire congolais. À côté de cela, le pays détient aussi 60% des réserves mondiales de cobalt. Ces deux métaux clés sont indispensables à la fabrication de batteries destinées à alimenter les véhicules électriques, smartphones, ordinateurs et tablettes. Ceux-ci représentent des sources de possibilités nouvelles qui susciteraient développement et croissance dans tous les pans de l'économie nationale. En effet, près de 16,5 millions de voitures électriques circuleraient d’ores et déjà à travers le globe, si l’on en croit l’Agence internationale de l’énergie (AIE). En ce qui concerne l'avenir, la plupart des prévisions (dont celles de BP et Exxon) tablent sur une mise en circulation de 150 millions de véhicules électriques en 2040, avec une demande mondiale en lithium susceptible d’être multipliée par six d’ici 2030, toujours d’après l’AIE. En somme, il y a très peu de mines de lithium en activité, au regard du potentiel identifié à l’échelle de l’ensemble du territoire, d’où cet appel à projets émanant du gouvernement congolais.


Ces apports d’expertise et transferts de technologie dans le secteur des ressources naturelles favoriseront indéniablement l’amélioration des compétences locales et un meilleur accès à l'emploi des jeunes générations. C’est ce qu’a tenté de démontrer Claudine Ndusi M’Kembe, ministre congolaise de l’Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale, s’appuyant sur des exemples concrets issus d’autres domaines d’activité, provenant de la RDC : « À l’INPP (Institut National de Préparation Professionnelle), de jeunes congolais ont été formés dans la réparation de moteurs et véhicules Toyota, avec l’appui de la JICA [ Japan International Cooperation Agency : Agence japonaise de coopération internationale, NDLR ], bénéficiant ainsi des meilleurs occasions d'apprentissage concernant les détails de la technologie automobile japonaise. Cette formation a permis à ces jeunes d’ouvrir à leur tour des garages afin de réparer des voitures. Une aubaine pour eux, d’autant plus que leurs clients les plus importants sont ceux qui achètent des véhicules de marque japonaise. Il en est de même pour le fabricant chinois de produits électroniques Huawei,dont la démarche s’est inscrite dans une ligne stratégique similaire [ ... ]. Cela démontre que la formation va de pair avec les investissements directs étrangers, avec des gains escomptés de par et d’autre » argumente t-elle.


La RD Congo a en outre des ressources en hydrocarbures que beaucoup de pays lui envieraient, avec des potentialités pétrolières estimées à 42 milliards de barils (Graben Tanganyika, Graben Albertine, Cuvette Centrale, Bloc Ndunda, Blocs Yema et Matamba Makanzi, Bloc de Nganzi, Bloc Losthi, sables bitumineux de Mavuma).


 
 

La richesse du sous-sol congolais ne doit pas occulter le fait que les opérateurs économiques peuvent examiner de nombreuses opportunités d'investissement dans d’autres secteurs d’activité jugés prioritaires par les instances gouvernementales. On pense particulièrement à l’agriculture et l’agro-industrie, des domaines où la production ne parvient pas à satisfaire entièrement la demande des consommateurs, ce qui engendre continuellement une grande dépendance à l'égard d’importations de denrées vivrières coûteuses.


« La République Démocratique du Congo dispose de 80 millions d’hectares de terres arables et 4 millions d’hectares de terres irrigables. Le déficit de production nationale nécessite un développement réel des investissements dans ce secteur de l’agriculture. Le potentiel de l’élevage est évalué à 40 millions de têtes de gros bétail. Il existe aussi un potentiel halieutique de 700.000 tonnes de poissons par an » fait remarquer Anthony Nkinzo Kamole.


L'objectif aujourd'hui est surtout de stimuler les investissements étrangers qui permettraient de produire localement des denrées alimentaires en quantité largement suffisante à travers le pays, tels que le maïs, le manioc, le riz, la banane plantain, le soja, l’oignon, la tomate, l’huile de palme, le sucre, le café, le thé ou le cacao.


« La Province du Sud-Ubangi, située au Nord-Ouest de la RDC, abrite la "Compagnie Sucrière de l’Ubangi", un projet de production de sucre et de l’éthanol, pour un budget estimé à 107 millions de dollars. Les prévisions de production se situent dans une fourchette comprise entre 90 000 à 108 000 tonnes de sucre par an. Il n’y a aucune industrie de ce côté-ci du pays et le marché est très prometteur [ ... ]. La Province mène également un projet de Centrale d’achat et de transformation des produits agricoles dans la localité de Bwamanda, dont le budget avoisine les 82,4 millions USD » annonce Jean-Claude Mabenze, gouverneur de la Province du Sud-Ubangi.


Dans le domaine de la santé, la demande devrait demeurer soutenue, contexte de crise sanitaire mondiale oblige. « On dénombre 474 hôpitaux généraux de référence. Mais il y a des endroits dans notre pays où il n’existe aucun centre de santé, déplore Anthony Nkinzo Kamole. Il existe de réels besoins de réhabilitation et de modernisation de plusieurs établissements ». Le secteur du tourisme n’est pas en reste. « Des opportunités sont offertes aux investisseurs de se lancer dans le développement de nouveaux sites touristiques, la réhabilitation des zones et réserves de chasse, la création de stations balnéaires, la construction de chalets et de bungalows et la rénovation des jardins botaniques » poursuit le directeur général de l’ANAPI.


Autre argument de poids inhérent à l’attractivité économique de la République Démocratique du Congo, l’instauration de Zones Économiques Spéciales (ZES), parmi lesquelles la ZES de Maluku située à l’Est de la capitale Kinshasa, la ZES de Kiswishi se trouvant dans la ville de Lubumbashi et la zone industrielle de l’ancienne Province Orientale (en cours d’aménagement). Constituant le fer de lance de la politique d’attraction des investissements étrangers voulue par les autorités, ces zones offrent, entre autres, aux entreprises installées une exonération totale de l’impôt foncier, mobilier et professionnel sur les bénéfices pendant 5 ans ; une exonération totale de droits et taxes à l’importation sur les machines, l’outillage et les matériel neufs ou d’occasion, les biens d’équipements pendant 10 ans ; et une exonération de droits et taxes à l’exportation sur les produits finis pendant 10 ans. Chacune d’elles devrait en principe se spécialiser dans des types de production, de telle sorte à ne pas se concurrencer.



Parmi les vecteurs d’attractivité qui n’ont pas été évoqués lors de la rencontre d’affaires dédiée à la RDC, notons l’existence d’un écosystème entrepreneurial et d’innovation en ordre de marche, au sein duquel plusieurs structures d’accompagnement tels que des incubateurs, accélérateurs et FabLabs — à l’instar de Kobo Hub, Ingenious City, Silikin Village, Kinshasa Digital Academy, Ishango Startups Center, CINILU (Centre d'Innovation de Lubumbashi) ou Kivu Entrepreneurs, — se donnent les moyens pour impulser une dynamique start-up, notamment souhaitée par des investisseurs en quête de nouvelles opportunités ou des employeurs et mettent tout en œuvre pour les lancer sur la voie de la maturation des projets. Ajouté à cela, la signature récente d’une ordonnance-loi portant sur une "Start-up Act" (ordonnance-loi N°22/030 du 8 Septembre 2022), s’inspirant du modèle tunisien, qui prévoit des avantages fiscaux, des facilités de financement et une labellisation des start-up, PME et structures d’appui congolaises.


 
 

Au-delà de tous ces facteurs d’attractivité susmentionnés, la République Démocratique du Congo semble désormais avoir renoué avec une relative stabilité et un climat politique apaisé. « [ ... ] À l’issue des élections de 2018, la RDC a lancé un signal fort en Afrique et au reste du monde, il s'agit là de sa volonté de se positionner comme un État politiquement et économiquement fort au cœur du continent » se réjouit le ministre d’État en charge du Plan, Christian Mwando Nsimba.


Un "colosse" aux pieds d'argile


Si l'économie congolaise dans son ensemble va dans le bon sens, force est de constater que, parallèlement, les problèmes urgents à régler sont innombrables. Certes, de plus en plus de multinationales projettent tous leurs espoirs de croissance sur la République Démocratique du Congo, forte d’environ 109 millions d’habitants, soit 8,38 % de la population africaine totale, sur 7,71% de la superficie de l’Afrique (2,345 millions km², c’est à dire plus de 3,5 fois la France et presque 80 fois la Belgique), et troisième État le plus peuplé du continent derrière le Nigeria et l’Éthiopie, avec une densité de 46 hab./km2 (107,2 hab/km2 pour la France ; 375 hab./km2 pour la Belgique). Douzième puissance économique du continent, la RDC dispose cependant d’un PIB évalué seulement à 53, 96 milliards de dollars en 2021 ; son poids dans la richesse économique africaine ne s’élève qu’à 1,99% (contre 16,24 % pour le Nigeria et 15,47 % pour l’Afrique du Sud à titre comparatif).


Parmi les nombreux handicaps qui pourraient poser quelques difficultés à investir en RDC, mentionnons, par exemple, les problèmes d’accès à l’électricité et les coupures intempestives de courant. « La RDC offre un grand marché en termes d’électrification en milieu rural. Mais, il y a eu plusieurs défis qui ont entravé le développement du secteur de l’électrification : le financement, la croissance démographique, l’exode rurale et l’absence de viabilité économique de certains des anciens projets présentés » constate Papy Onokoko, directeur technique de l’ANSER (Agence Nationale d'Électrification).


Pierre-Marie Relecom, fondateur du cabinet d’affaires Relecom & Partners, prend le relais : « [ ... ] Il existe des besoins phénoménaux en termes d’électrification. Sans électricité, on ne peut ni développer les mines, ni la transformation des minerais, ni les zones économiques spéciales ou l’éducation des enfants dans des conditions optimales. Aujourd’hui, l’électricité en RDC, c’est 5 centimes le kilowatt pour un particulier ; c’est 10 centimes le kilowatt pour une industrie. En revanche, beaucoup de ces industries utilisent des groupes électrogènes. Et là, les coûts engagés explosent : on est à plus de 150 centimes le kilowatt : L’industriel quel qu’il soit, n’a qu’un intérêt : c’est d’avoir un accès à l’électricité stable, soutenable et durable à prix fixe ».


Mais le goulet d’étranglement le plus rédhibitoire réside dans l’insuffisance en nombre d’infrastructures modernes de transport. « Le réseau routier national ne s'étend que sur 152.400 kilomètres. Il s’agit dans les faits d'un véritable défi pour la RDC de connecter ses vingt-six provinces. Le mode de déplacement le plus efficace demeure l’avion, un moyen de transport qui a un impact direct sur les coûts opérationnels et la Supply Chain » admet Anthony Nkinzo Kamole.



C’est ce qui explique l’établissement de grandes priorités à travers le Plan National Stratégique de Développement (PNSD) 2023-2027, un cadre de référence de politiques publiques visant à résoudre les faiblesses structurelles du pays. Conscientes de ces lacunes, les autorités entendent dorénavant régler une fois pour toute la question énergétique. Le chantier paraît toutefois bien ambitieux, mais non insurmontable. « Nous disposons actuellement d’un portefeuille de 270 projets matures, ayant fait l'objet d’une étude de faisabilité axée sur l'évaluation des besoins en matière d’électricité en RDC, dont 42 dédiés à la construction de centrales hydroélectriques, 18 qui portent sur la réhabilitation de centrales hydroélectriques existantes et la réalisation de 202 centrales solaires. Mais notre ambition est de privilégier surtout le mix énergétique » soutient le directeur technique de l’ANSER, Papy Onokoko.


Ce secteur est amené à connaître une rapide expansion, avec plusieurs grands projets hydroélectriques prévus ou en cours, dont, le projet de construction du barrage Inga III 4 800 mégawatts, la construction de la centrale hydroélectrique de Wanirukula de 688 MW dans la province du Tshopo; la construction de la centrale hydroélectrique des "Portes d’enfer " de 132MW dans la province du Tanganyika, l’extension de la centrale hydroélectrique de 43 MW de Kiyimbi dans la province de Maniema, la construction de la centrale hydroélectrique de Mbamba de 33,6 MW dans la province de Kwilu, ainsi que la construction de la centrale hydroélectrique de Kapanga dans la province de Kwango. Ces méga-chantiers ne résument pas la totalité des projets en RD Congo. D’autres initiatives devraient être voir le jour, à l’instar de la construction de la centrale hydroélectrique de Katende II de 12 MW pour électrifier la ville de Kananga, une centrale hydroélectrique de 8.14MW dans la ville de Miao, la centrale hydroélectrique de Luvile de 7MW électrifier le territoire de Lodja, ainsi qu’une augmentation de la capacité de la centrale solaire de Miluna pour contribuer au développement du territoire de Businga.


Les grands chantiers sont aussi prioritairement tournés vers les infrastructures de transport. « [ ... ] Le PNSD, en cours de révision pour une nouvelle édition 2023-2027, sera doté d'un programme d’investissements publics comprenant des principaux projets structurants, dont la construction du pont route rail entre Kinshasa et Brazzaville, le prolongement du chemin de fer Kinshasa-Ilebo, le port en eau profonde de Banana, la voirie de Kin-Elenda et le métro de Kinshasa » énumère le ministre d’État en charge du Plan en RDC, Christian Mwando Nsimba.


Tous ces projets d’autoroutes, routes nationales, réseaux ferroviaires, ports maritimes et infrastructures aéroportuaires requièrent une consommation exponentielle de ciment. Une problématique qui a donné une occasion à Jean-Claude Mabenze, gouverneur de la Province du Sud-Ubangi, de faire valoir le bien-fondé de sa demande de financement auprès d’investisseurs potentiels pour concrétiser son projet local de cimenterie de Balangoy : « Au Nord de la province, à 40 Km de la ville de Zongo, il existe une carrière de 213 millions de tonnes environ de calcaire, une matière première indispensable à l’élaboration du ciment. Le filon étant encore loin d’être épuisé, cette carrière de calcaire pourrait être exploitée pendant 150 ans, avec des prévisions de production annuelle de 1,4 millions de tonnes. Le marché est estimé à plus de 80 millions de consommateurs, incluant notamment la Province du Sud Ubangi, la République Centrafricaine, et les 8 provinces voisines en RDC. Pour autant, il n’est pas concurrentiel au niveau de la sous-région car il n’existe à ce jour aucune cimenterie dans la partie nord du pays [ ... ]. Le budget prévisionnel nécessaire pour la construction de cette cimenterie est fixé à 278 millions USD ».


Une dernière lacune reste à combler, la problématique de la corruption et la culture de l’impunité qui peut freiner la progression du pays, font remarquer les critiques les plus virulentes. Face à ce fléau, Anthony Nkinzo Kamole se veut rassurant et s'efforce de dissiper les inquiétudes : « Courant Mai 2022, le gouvernement a mis en place une agence de prévention et de lutte contre la corruption (APLC), une patrouille financière qui est gérée sous la houlette de l’Inspection Générale des Finances ».


En guise de conclusion, il y a lieu de retenir que la République Démocratique du Congo a le potentiel de se classer prochainement au premier rang des puissances économiques africaines dans une quinzaine ou vingtaine d’années, à condition de poursuivre ses réformes structurelles et de trouver rapidement des réponses à des défis majeurs que sont l’amélioration des infrastructures de transport, l’accès au plus grand nombre de Congolais aux soins de santé essentiels, à l’eau potable et à l’électricité, ainsi que le règlement du problème du chômage de masse chez les jeunes et, d’une manière générale, la lutte contre la précarité et l'exclusion sociale. On voit donc que les évolutions sont encourageantes, mais que le challenge est titanesque. D’un point de vue pratique, les besoins gigantesques de ce pays peuvent être perçus en termes d’opportunités d’investissement.


 

Par Harley McKenson-Kenguéléwa

 

Tags :


Vous souhaitez en lire plus ?

Abonnez-vous à ceoafrique.com pour continuer à lire ce post exclusif.

Comments


© Copyright
© Copyright
© Copyright
bottom of page