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Investir à Cuba, nouvel eldorado ou grande illusion pour les PME ?

Dernière mise à jour : 30 déc. 2023


Depuis les arrivées successives au pouvoir de Raúl Castro (24 février 2008 – 19 avril 2018) et de Miguel Díaz-Canel, Cuba affiche sa volonté d’ouverture économique. Les grandes entreprises du monde entier tentent de rafler des contrats sur ce nouveau marché des Caraïbes. À condition de faire preuve de patience, d’avancer avec précaution et de tenir compte des incertitudes macroéconomiques et géopolitiques qui pèsent sur le pays.

Le Capitole (El Capitolio), siège de l'Académie des sciences de Cuba, La Havane, Cuba

Fait inédit : Le ministre cubain du Commerce extérieur, Rodrigo Malmierca, s’est rendu au World Economic Forum de Davos qui s’est tenu du 22 au 25 janvier 2019, symbole du capitalisme mondial combattu farouchement et idéologiquement par le régime castriste il y a encore quelques temps, afin de soutenir un plaidoyer en faveur d'un renforcement et d'une diversification des échanges commerciaux internationaux. Cette première visite depuis 25 ans d'un haut responsable cubain dans cette station de ski huppée de Suisse est assez significative de la volonté des nouvelles autorités de faire drainer un flux constant d'investissements étrangers dans le but de de réintégrer totalement le circuit économique mondial .

Par ailleurs, l’assouplissement momentané des restrictions a amené les voyagistes et l’industrie du tourisme à se tourner vers Cuba.

Cuba, un marché prometteur pour les PME

Les entreprises du monde entier se bousculent au portillon de l’ île la plus peuplée des Caraïbes, forte d’un marché intérieur doté de 12 millions d’habitants, pour une raison simple : tout est à refaire et à reconstruire dans un pays qui a subi un blocus économique, commercial et financier depuis quasiment soixante ans et les besoins en infrastructures (routes, infrastructures hôtelières, télécommunications etc...) sont gigantesques.

« On assiste aujourd’hui à un tourisme haut de gamme. Mais Cuba ne possède ni les infrastructures et les services qui en découlent, ni la qualité de la formation hôtelière pour répondre à cette clientèle » explique le Franco-Cubain Carlos Gomez-Betancourt , président coordinateur général de " Cuba Business Club ", situé au Sky Center Tour La Marseillaise, dans la cité phocéenne. « [ ... ] Cuba est un marché unique et global. Lorsqu’on y développe une activité commerciale, il ne s’agit pas de fabriquer ou de vendre un produit dans des points de vente choisis mais d’un marché national » poursuit-il.

Par ailleurs, l’ État insulaire est une tête de pont avancée idéale pour développer ses affaires dans tous les pays hispanophones et lusophones de la région, soit un gigantesque marché de 265 000 000 habitants à sa porte.

Au-delà de ces chiffres, Cuba possède une forte proportion de main-d'œuvre hautement qualifiée. Le " Startup Weekend Havana ", qui s’était tenu en Novembre 2015 témoigne du fort dynamisme de la communauté des jeunes entrepreneurs, développeurs et programmeurs, malgré un écosystème local du numérique et du digital très fragile avec 3,696,765 d’utilisateurs du web, soit un taux de pénétration Internet de 33.6 % en 2016 d'après " Internet World Stats ". Ce haut niveau de formation et le taux d'internautes en constante augmentation représentent une aubaine pour les acteurs du secteur des technologies, médias et télécommunications.

« Le " Startup Weekend Havana " débute aujourd'hui » .

« On assiste à un " Startup Weekend Havana " exceptionnel , avec Santiago Zavala ( @ 500 Startups), Merchise Startups, Rodney Hernandez et Alex Medina » .

De plus, l’Île est un terreau artistique très vivace qui suscite régulièrement l’intérêt du public international, notamment en France où de nombreux talents ont eu l’occasion d’exposer leurs créations.

 
 

Mis à part cette richesse humaine, Cuba est connue pour l’abondance de son sous-sol en ressources énergétiques, se situant au cinquième rang mondial pour le cobalt, et dixième au classement international pour le nickel. Mais encore faut-il que les autorités cubaines parviennent à accroître de façon substantielle sa capacité de production, eu égard à la détérioration de ses installations minières.

Les modalités d’implantation à Cuba

La stratégie d’attractivité des investissements étrangers reposent sur deux piliers, la nouvelle loi n° 118 du 29 mars 2014 et la " Zone Spéciale de développement de Mariel "(ZSDM).

Grâce à cette loi sur l’Investissement étranger, les porteurs de projets peuvent désormais profiter d’un assouplissement des seuils d’investissement pour une entreprise étrangere dans plusieurs secteurs considérés comme étant prioritaire par les autorités, dont l’agriculture, le tourisme, les énergies renouvelables, la biotechnologies, la banque, finances & assurances, la grande distribution, le tourisme ou les transport. A contrario, les domaines de la santé de l’ Éducation et les activités propres à l'institution militaire demeurent l’apanage des pouvoirs publics.

« Chaque année, la Foire internationale de La Havane présente les opportunités d’investissement et les appels d'offres ciblés du gouvernement cubain [ ... ] » précise ce juriste et ancien collaborateur du président du groupe d’amitié France-Cuba de l’Assemblée nationale, faisant allusion aux investisseurs qui ne sont pas familiers avec le marché cubain.

Créer une entreprise à Cuba implique de s’associer obligatoirement avec un membre des instances gouvernementales et d'être soumis à des restrictions à la liberté du recruteur en matière d’embauches. Concernant les formes légales de sociétés, les coopératives font partie des organisations les plus utilisées. Conçu à l’origine pour exercer dans le domaine agricole, cette entité juridique, offrant des avantages fiscaux, a vu son champ d’application élargi au secteur de la construction et aux services tels que le consulting en développement d’affaires, les ateliers de réparation automobile ou salons de coiffure et de beauté. Parmi les autres structures juridiques, figurent la société en " joint-venture " dont les actionnaires peuvent inclure plusieurs investisseurs étrangers, " l’Association Économique Internationale ", qui permet accomplir des actes commerciaux sans constituer une personnalité juridique distincte de celle des parties, et la société à capitaux totalement étrangers.

Zone spéciale de développement de Mariel. Crédits : ©zedmariel.com

Créée le 19 septembre 2013, avec un lancement officiel de ses activités le 27 janvier 2014, la Zone spéciale de développement de Mariel, ville portuaire située une quarantaine de kilomètres de La Havane, se veut le porte-étendard de la profonde transformation économique de Cuba souhaitée par les nouvelles autorités, avec en prime des avantages fiscaux pendant 10 ans au profit d’entreprises nationales et étrangères qui veulent s’y implanter. Un atout de plus pour cette structure hybride portuaire et de zone franche, d’une superficie de 465,4 km2, qui a déjà séduit de grandes firmes multinationales - et pas des moindres - telles que Nestlé, Unilever, Caterpillar ou Bouygues. La ZED Mariel comporte deux niveaux d’approbation - ceux de son directeur général et du conseil des ministres qui instruisent le dossier d’implantation, avec une échéance qui ne dépassent pas les 65 jours au maximum.

Entre lueurs d’espoir et incertitudes sur le climat des affaires

Si Cuba semble devenir une nouvelle terre d'opportunités pour les investisseurs internationaux, la réalité est beaucoup plus complexe qu'elle n'y parait, dans un contexte géopolitique encore largement flou, où l’actuel locataire de la Maison Blanche, Donald Trump qui avait annulé l’accord conclu par son prédécesseur Barack Obama avec les autorités de la Havane fin 2014, a renforcé le blocus imposé à l'île des Caraïbes.

Il existe un problème de taille : les lourdeurs administratives qui ralentissent le processus d'implantation des entreprises étrangères et qui peuvent freiner significativement la dynamique des investissements étrangers voulu par le pouvoir central. D’après l’édition 2019 du rapport relatif aux libertés économiques établi par la Heritage Foundation, Cuba occupe la 178ème place sur 180 pays évalués, derrière l’érythrée et juste devant le Venezuela et la Corée du Nord avec une note de 27,8 points sur 100.

Mais la bureaucratie n’est pas le seul obstacle qui se dresse devant les investisseurs rêvant de faire des affaires dans l’Île. Le salaire moyen des habitants insulaires, variant entre 20 à 30 $ par mois, a de quoi refréner l'enthousiasme des porteurs de projet les plus téméraires. De ce fait, l’ intervention excessive de l’État dans l'activité économique et la faiblesse du pouvoir d’achat incitent un bon nombre de cubains à acheter des produits et des services au marché noir. Ajouté à cela, le pays qui a basculé dans un système de dualité monétaire complexe, avec le Peso cubain (CUP) (0,038 dollar) généralement utilisée par les ressortissants nationaux et le Peso cubain convertible (CUC), mis en circulation depuis 1994, utilisé par les touristes. Une coexistence de ces deux monnaies qui a engendré le développement de deux économies parallèles.

Toutefois, les analystes les plus optimistes expliquent que la généralisation du CUC, dont la valeur est proche de celle de l'euro, et une éventuelle unification deux monnaies dans l’optique de réintégrer un jour le Fonds Monétaire Internationale (FMI ) font naître des petites lueurs d'espoir dans ce sombre tableau.

La place de Cuba dans le commerce extérieur des pays d'Afrique

Certes, Cuba a toujours accordé une grande importance à ses relations avec les pays africains qui ont constitué l’un des piliers de sa politique étrangère depuis les années 60, à l’instar de ses interventions dans la crise congolaise, son soutien au Mouvement populaire de libération de l'Angola et à l’indépendance de l’Algérie, ainsi que son aide dans la lutte de l'ANC (African National Congress),contre le régime d'apartheid d’antan en Afrique du Sud. L'assistance se décline également en volet médical avec l’envoi de nombreux médecins aux quatre coins de l’Afrique. Paradoxalement Cuba ne pèse pas beaucoup en termes économiques. En effet, Cuba ne représentait en 2016 que 3,49 % des exportations africaines ( 36 % pour l’Europe, 30 % pour l’Asie et 19 % pour l’Amérique du Nord à titre de comparaison) selon l'Observatoire de la Complexité Économique [ OEC : Observatory of Economic Complexity, NDLR]. Ces 231 millions de dollars d’exportations vers l’Île représentent donc une part négligeable du commerce extérieur de l’ensemble des États d’Afrique.

Cuba et l’Algérie ont tissé des liens économiques très étroits depuis l’indépendance de ce dernier en 1962. Mais en y regardant de plus près, les échanges entre les deux pays sont peu diversifiés. Ainsi, le pétrole représente la quasi-totalité des exportations algériennes vers Cuba. Dans le sens inverse, Cuba exporte vers l’Algérie des produits sanguins (58 % des échanges) et des médicaments (42% des échanges).

En 2016, ses échanges commerciaux avec l’Afrique du sud s'élevaient à près de 13,5 millions de dollars. les exportations sud-africaines dominent la structure de ces échanges avec 10,4 millions de dollars ( 51 % de pneus, 24% de centrifugeuses, machines d'excavation etc...) et les exportations cubaines en Afrique du Sud à 3,1 millions de dollars .( 85% de tabac à rouler, 13 % d’alcool).

Ses relations commerciales avec le Kenya, l’économie la plus dynamique d’Afrique de l’Est, sont très faibles en raison en raison de la barrière de la langue à l'instar de la quasi-totalité des Etats d'Afrique, de l’insuffisance d’infrastructures logistiques et surtout du fait que les deux pays sont spécialisés dans l'exportation de produits similaires tels que le sucre ou le tabac. Le Kenya a importé de Cuba des biens dont la valeur s'élève à 8.3 millions de shilling kényan, principalement des cigares cubains et de l’alcool. En contrepartie, les exportations de produits kényans vers Cuba sont constitués principalement d' hydrocarbures.


 

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Par Harley McKenson-Kenguéléwa

 


 

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