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Le Maroc, champion africain pour les investissements directs étrangers

Dernière mise à jour : 30 déc. 2023


Le Maroc s’affirme comme une terre d’accueil africaine de tout premier ordre pour les investissements directs étrangers. Toutefois, il n’en reste pas moins que le royaume attire moins d’IDE que l’on pourrait s’y attendre au regard de la multitude de possibilités d’investissement qu’il recèle. Lors d'une conférence co-organisée par Forum Horizons Maroc et AMGE-Caravane" le 3 février 2019 à la Grande Arche de la défense , Othman El Ferdaous, secrétaire d’État marocain chargé de l’Investissement, Marc Teyssier d'Orfeuil, directeur de l’agence de lobbying "Com'Publics", et Abdou Diop, directeur associé du cabinet "Mazars Audit et Conseil", ont analysé les obstacles susceptibles de freiner l’investissement et envisager des solutions pour éliminer ou contourner ces barrières.

Casablanca, capitale économique du Maroc . - Crédits : ©Office Tourisme Maroc

Le Maroc est perçu par les investisseurs comme un territoire propice au développement de projets entrepreneuriaux et industriels. Le Royaume se révèle en effet le premier en Afrique pour le nombre d’investissement principalement dans la banque, le tourisme, les infrastructures, l’énergie, le secteur manufacturier, à en croire l’édition 2018 de l’Africa Investment Index, avec des IDE estimés à de 2,5 milliards de dollars d'IDE en 2017.

Le Maroc : pays émergent ou "marché frontière" ?

Il n’existe aucune définition officielle de l’expression " pays émergents " . Selon certaines sources, il fait référence à des pays en développement qui ne font plus partie des pays les moins avancés (PMA), avec des opportunités d'investissement attrayantes et une croissance économique forte, sans pour autant atteindre un niveau de développement comparable à celui des pays du Nord. A ce titre, une étude du cabinet Atradius a hissé le Maroc dans le top 5 des « marchés émergents les plus prometteurs en 2019 » . Un palmarès que l’économiste Joël Ruet pourrait contester vigoureusement si l’on se réfère à son ouvrage " Des capitalismes non alignés; les pays émergents, ou la nouvelle relation industrielle du monde, Raisons d’Agir ", dans lequel il établit sa propre classification et considère que les acteurs économiques au sein de ces États doivent « dépassé un seuil minimum dans le processus d’accumulation industrielle, technologique, sociale, et qui ont en général constitué des filières économiques au-delà d’une certaine taille critique qui assure leur diversité, leur propre reproduction et évolution (…) ».

Le Maroc n’est ni un pays sous-développé, ni tout à fait un pays développé.

Au premier abord, on serait donc tenté de croire que cet État du Maghreb appartient plutôt à la catégorie des " marchés frontières " ou des pays dits " pré-émergents ". Mais force est de constater que le royaume chérifien n’en est pas non plus aux premières phases de sa progression sur le plan économique, d’autant qu’il se distingue d'un bon nombre de nations africaines par la stabilité de ses institutions. Partant de ce constat, le fait de ranger le Maroc dans l'une de ces deux catégories relève de l’impossible. Othman El Ferdaous, secrétaire d’État chargé de l’Investissement, abonde dans ce sens, estimant que « Le Maroc n’est ni un pays sous-développé, ni tout à fait un pays développé [ ... ] ».

Ce qui motive les entreprises à s’implanter au Maroc

Le Maroc ne se situe pas seulement géographiquement au Nord de l'Afrique; il occupe aussi une position stratégique aux yeux de nombreuses entreprises internationales en tant que plaque tournante de logistique et d'acheminement entre l'Europe, l’Afrique subsaharienne et le Moyen-Orient.

« Le port de Tanger-Med a permis de connecter un certain nombre de capitales africaines et de réduire les délais de transport ainsi que les coûts logistiques. La route Tanger-Dakar a aussi décloisonné cet espace sous-régional [ ... ] » constate Abdou Diop, Managing Partner au cabinet de conseil Mazars et expert-comptable de formation d'origine sénégalaise établi dans ce pays.

Le Maroc a développé des infrastructures de transport parmi les plus performantes d’Afrique. La qualité des ces équipements, à l’instar du " pont Mohammed VI " à Rabat, du nouveau terminal de l’aéroport de Casablanca Mohammed V, le port de Tanger Med et le Train à Grande Vitesse Al-Boraq qui relie Casablanca à Tanger constitue pour le royaume chérifien un avantage compétitif indéniable.

 
 


« Nombreux sont ceux qui s'imaginent encore souvent que notre pays attire des investisseurs parce que l’on y pratique une politique de bas salaires. Ce n’est plus vrai depuis le tournant des années 2010-2012. Les investisseurs viennent notamment parce les coûts logistiques sont très compétitifs et grâce à la politique des transports. Nous avons des infrastructures de transports qui sont exceptionnelles à l’échelle continentale » se réjouit Othman El Ferdaous. « Le Maroc est doté d’infrastructures routières, aéroportuaires et portuaires, qui sont au niveau de l’accompagnement de la croissance nécessaire à l’économie [... ] » a ajouté Marc Teyssier d'Orfeuil, directeur général de Com’Publics.

Le Maroc a pu bénéficié de la construction de quelques infrastructures grâce aux contrats de partenariats public-privé (PPP). Le Technopark de Casablanca en constitue un exemple emblématique de PPP réussis Ce mode de financement présente le grand avantage d’inciter les acteurs privés à respecter scrupuleusement les délais et les coûts des projets concernés. De façon pédagogue, Othman El Ferdaous livre les principaux enseignements que l'on peut tirer de cet outil :

« Le Maroc possède un modèle de partenariat public-privé qui n'existe nulle part ailleurs . C’est la façon dont les pouvoirs publics s’associent aux acteurs du secteur privé et permettent aux associations professionnelles d’animer les instituts de formation et les écosystèmes industriels, les contrats de performance etc.... Ce qui a bien marché, ce sont les secteurs de l’automobile et du textile [ ... ] »

Marc Teyssier d'Orfeuil va plus loin dans l'explication du sens de ce terme :

« L’intérêt des PPP réside dans le fait que ce sont des contrats sur 25 ans qui permettent d’entraîner derrière toutes les PME / PMI d’une région ou du Maroc dans son ensemble. Le PPP vous autorise à massifier et construire de universités des écoles ou hôpitaux en étalant la dette sur 20 ans [ ... ]. L’enjeu économique sociétal est énorme. Dans un contrat de 25 ans, la sous-traitance va permet de faire travailler les entreprises locales qui vont pouvoir progresser, embaucher et s’adosser à des contrats à long terme ».

Atout de taille pour le royaume : L’Agence Marocaine de Développement des Investissements et des Exportations (AMDIE), née de la fusion de l'Agence Marocaine de Développement des Investissements (AMDI), de Maroc Export et de l'Office des Foires et Expositions Commerciales (OFEC), se veut être la cheville ouvrière chargée d’attirer massivement des investissements directs étrangers.

« On s’est rendu compte que ces trois organes - qui travaillent dans la promotion du Maroc comme destination économique - allaient séparément sur les différents salons à Berlin, Washington etc... Chacun avait son stand. Il n’y avait pas de mutualisation des moyens. Ils présentaient des chiffres différents, des stratégies différentes etc ... » explique Othman El Ferdaous.

 
 

Une restructuration opérée en Décembre 2017 qui semble avoir porté ses fruits puisque que le classement " Doing Business 2019 " de la Banque Mondiale le désigne comme meilleur 3ème environnement des affaires sur le continent, juste derrière l'Île Maurice et le Rwanda.

« Le Maroc attire en terme d’investissement directs étrangers entre 2,5 et 3,5 % du PIB depuis 15-20 ans. Un taux qui est semblable à celui de la Roumanie ou la Bulgarie, deux États membres de l’Union européenne, ce qui est plutôt un bon résultat. C’est également un ratio identique à celui de la Tunisie, où le salaire minimum est deux fois moins élevé qu’au Maroc. Ce qui signifie que les investisseurs acceptent de payer une prime spécifique [ ... ] » analyse le secrétaire d’État.

" Casablanca Finance City " est également devenue l’une des pièce maîtresses du processus visant à promouvoir la destination " Maroc ". Membre fondateur de l’Alliance Mondiale des Centres Financiers [ WAIFC : World Alliance of International Financial Centers Association, NDLR ] , ce hub " institutionnel " est en mesure d’octroyer aux entreprises internationales désireuses de s’installer dans le pays le statut " CFC " donnant droit à un package, dont des incitations fiscales avantageuses.

 

 

Autre avantage concurrentiel : Le Maroc peut s'enorgueillir de posséder un riche vivier de compétences transversales et de haute technicité très appréciées des grand groupes internationaux.

« On assiste à un recrutement de nombreux ingénieurs en aéronautique. Une coopération dans le domaine de la recherche et du développement entre l’entreprise française d’ingénierie Safran et le site ide Toulouse [ ... ]. Concernant le secteur de l’automobile, le constructeur PSA s’empresse de recruter des ingénieurs marocains pour son usine à Kenitra [ ... ]. Les voitures Peugeot qui y sortent sont conçues à 100 % « par des ingénieurs marocains ».

 
 

De gauche à droite : Othman El Ferdaous, secrétaire d’État marocain chargé de l’Investissement, Chakib Benmoussa, ambassadeur du Maroc à Paris et Abdou Diop, directeur associé du cabinet "Mazars Audit & Conseil". - Crédits : ©Forum Horizons Maroc .

Réduire les obstacles et aller plus loin dans l’accompagnement des projets d’investissement.

Si des villes comme comme Casablanca, Marrakech et Rabat sont dotées d’infrastructures de développement aux standards internationaux, des rapports d’experts attestent en revanche de divers retards en matière d’inégalités sociales, ce qui met en perspective les défis auxquels est confrontée la pays.

Selon Abdou Diop, l'une des causes du faible du développement des PME provient de la concurrence de l’ informel. Selon une étude réalisée par le Cabinet Roland Berger pour le compte de la CGEM - le patronat marocain - , l’économie parallèle contribue à hauteur de 21% du PIB du pays, hormis le secteur primaire. Le poids des prélèvements obligatoires incitent un bon nombre d’opérateurs à faire des affaires hors du circuit économique classique. La plupart des consommateurs locaux préfèrent donc y acheter des produits écoulés qui sont meilleur marché en terme de coûts réels, eu égard à l’absence de contrôle par l’administration fiscale.

« Dans un contexte de demande sociale, l’informel est quand même un pourvoyeur important d’emplois et de revenus. L’État est pris effectivement entre deux chaises : l’informel emploie beaucoup de monde, donne beaucoup de revenus, mais d’un autre côté, ne paie pas d’impôt » précise le consultant du cabinet Mazars.

Un autre constat important a porté sur les modifications continuelles de la législation fiscale qui peuvent faire fuir les investisseurs. Une hausse sans fin des prélèvements obligatoires réduit le capital pour investir et construire des structures productives plus large A titre d’exemple, le taux d’imposition sur les sociétés au Maroc a varié quatre fois en cinq ans, une véritable source d’instabilité fiscale. Il est donc difficile pour des apporteurs de capitaux de se projeter dans l'avenir avec sérénité quant aux décisions de développer — ou non — des équipements susceptibles accroître la productivité.

« Il est reproché au Maroc de ne pas disposer d’une fiscalité de vision à long terme. Chaque année apporte son lot de modifications. Cela crée de l’instabilité pour l’investisseur privé » alerte Abdou Diop, laissant suggérer qu'il faille proscrire toute rétroactivité en vue de limiter les évolutions fiscales. « En ce moment au Maroc, nous sommes dans une grande phase de réflexion. Les Assises de la Fiscalité, qui sont prévues les 3 et 4 Mai 2019, vont revoir complètement la politique fiscale marocaine. » rapporte le Secrétaire d’État marocain chargé de l’investissement,

Ajoutée à cela la rigidité du droit du travail qui est particulièrement contestée par les chefs d’entreprise. Ces derniers sont nombreux à se plaindre d’un manque de flexibilité , notamment en matière d’encadrement de la saisonnalité du travail, de plafonnement des heures supplémentaires, de durée des missions d’intérim ou de réorganisation du temps de travail.

« Le droit du travail marocain est très rigide. Il y a une demande très forte du patronat [ CGEM : Confédération Générale des Entreprises du Maroc, NDLR ] sur la flexibilité du travail » souligne Abdou Diop.

Pour sa part, Othman El Ferdaous a souligné la nécessité de favoriser les investissements dans des secteurs prioritaires pour le développement économique, une manière de libérer pleinement le potentiel entrepreneurial et booster le secteur privé.

« Il y a eu beaucoup d’investissements dans les infrastructures de transport, et peut-être pas assez dans les autres secteurs [ ... ] Jusqu’ici, les porteurs de projet étaient encouragés à bâtir des hôtels. [... ] Les priorités de l’économie marocaine étaient axées sur l’agriculture, l’immobilier & le BTP et le tourisme. [ ... ].Par la suite, aucune priorité ne leur 'avait été assignée. Ces derniers sont restés concentrés sur l’ancienne charte qui a été adopté en 1995, reconnaît le secrétaire d’État marocain. Aujourd’hui, nous avons une occasion d’envoyer des signaux au secteur privé national. La nouvelle charte de l’investissement apportera plus de la visibilité et donnera davantage d'importance à l’industrie, l’entrepreneuriat et l’innovation & le digital », poursuit-il.

L'homme politique marocain a également mis en exergue la frilosité des banques pointée par les experts comme l’une des causes faible performance de l'écosystème des TPE et PME locales qui ont des besoins considérables en capitaux pour financer leur croissance et atteindre une taille critique en vue de réussir sur la scène internationale.

« Au niveau de l’offre, ce sont les banques qui ont mal " digéré " la bulle spéculative dans le secteur de l’immobilier et n’ont plus octroyé des crédits. Concernant la demande, ces établissements ont de l’argent à placer mais estiment que les projets entrepreneuriaux ne sont ni convaincants, ni " bankables " ».

 

 

Un autre handicap a été avancé pour expliquer le tarissement des opportunités d'investissement. La demande d'adhésion du Maroc à la CEDEAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest), dont les négociations sont toujours en cours, a donné lieu à des demandes d'éclaircissement émanant des instances de cette organisation sous-régionale à propos de sa politique d'attractivité des investissements directs étrangers vis-vis à de ses 15 États membres actuels. L'analyse de la répartition géographique des IDE en 2017 indique en effet que La France, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis comptent parmi les plus grands grands investisseurs.

« Il est reproché au Maroc de ne pas adopter une véritable politique d’attraction d’investisseurs d’Afrique subsaharienne vers le Maroc. Aujourd’hui, des Nigérians,, des Sénégalais, des Ivoiriens préfèrent investir en Afrique du Sud plutôt qu'au Maroc, parce qu‘il n’y a pas cette dynamique d’attraction des investissements directs étrangers vis-vis de leur pays. Or pour assurer une durabilité à long terme d’une coopération avec ces États, il faut entrer dans cette logique [ ... ]. Le Nigérian Aliko Dangote est l’homme le plus riche du continent; Il n'y a aucune raison pour qu' il n’investisse pas au Maroc. Beaucoup d'hommes d'affaires sont dans ce cas [ ... ] », a déclaré Abdou Diop avec un brin d'optimisme.

 


Par Harley McKenson-Kenguéléwa

 


 

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